Bahamas 5 : Eleuthera, Cat Island

Classé dans : Atlantique Nord, Bahamas | 5

Au printemps 2017, nous avons exploré l’archipel des Bahamas du sud au nord, dans la continuité des Turks et Caïcos. Nous avions choisi de passer par les îles du centre, les Exumas, puis par Nassau vers la Floride. Cet itinéraire laissait de côté plusieurs îles réputées touristiques au nord. Spica a passé tout l’hiver à Lucaya, Grand Bahama, à l’excellente marina du Grand Bahama Yacht Club, sous la surveillance de Fabian. Ce point de chute est idéal pour reprendre notre visite : Abaco, Eleuthera et Cat Island.

 

Retour à Lucaya mi-avril 2018. Spica est impeccable après ces 4 mois : pas de poussière, pas d’insecte, pas de vol ni de dégradation. L’amarrage en toile d’araignée l’a protégé des piles en béton.

Les prévisions météo prévoient le passage d’un front dans la nuit de mardi à mercredi et nous retardons notre départ à mercredi car ça a l’air sérieux (et ça le sera!).

On en profite pour approfondir la visite de l’île qu’on avait commencée en décembre dernier. Il nous faut deux jours pour parcourir ses 120 km de la pointe est à la pointe ouest. L’île est entièrement recouverte d’une pinède de petits pins rabougris, aux troncs souvent noircis par les feux d’écobuage pour nettoyer les sous-bois.

Nous ne trouvons aucun village de charme mais quelques rares maisons aux couleurs pastel, entourées de jardins fleuris. Par contre la côte sud est splendide, bordée de magnifiques plages de sable blanc, absolument désertes.

A l’ouest on fait un détour par le port de Freeport. Port franc, ses infrastructures témoignent de l’importance économique de l’île pour l’ensemble des Bahamas, avec un gros port de commerce, un terminal de paquebots, des chantiers nautiques, un terminal pétrolier et de nombreuses cuves de stockage de pétrole. Plus à l’ouest, vers West End, c’est le bout du monde. A part les pêcheurs de conch et les vendeurs de conch salad, il n’y a pas grand monde…

Le temps fort de la semaine est l’organisation, à la marina-même, d’une compétition de Dragonboats : ce sont des bateaux d’origine chinoise, mi-pirogue mi-jonque, à tête et queue de dragon, propulsées par une vingtaine de rameurs, à la cadence d’un tambour placé à l’avant. Ici ce sont de petits modèles à 12 rameurs. Il paraît que ces compétitions se déroulent dans le monde entier. C’est la première fois qu’elle se tient à Grand Bahama, et elle est organisée par des américains venus de Floride. En voyant arriver le couple organisateur, on n’imaginait pas le caractère grandiose de l’événement : 4 bateaux, 19 équipages, la présence du ministre des sports, la police, les Rangers, les sauveteurs, de nombreux bénévoles et une multitude de spectateurs. A terre, sur la pelouse du club, des stands de cuisine bahaméenne, le stand de boissons, la tribune, les orchestres dans une bonne humeur générale.

Les courses se passent dans le bras de mer devant la marina et la ligne d’arrivée juste en face de Spica.

Premier prix pour l’équipe du Yacht Club ! Une vraie tranche de vie bahaméenne, bien arrosée par la Kalik, la bière locale!

Mercredi 25 avril, c’est le temps des adieux à Karen, Fabian et Aaron, qui nous ont si bien accueillis. Après plusieurs jours d’orages parfois violents, malgré un temps encore incertain, nous quittons Lucaya, contents de reprendre enfin la mer, par un vent d’ouest extrêmement inhabituel. En raison d’une météo capricieuse, très changeante, nous allons sans arrêt modifier nos plans. Premier renoncement : le lagon d’Abaco, entièrement ouvert à l’ouest. Nous piquons vers le sud en direction d’Eleuthera.

 

 

Au nord des Berry Island, Stirrup Cay

La première étape de 50 milles vers le sud nous amène à Stirrup Cay, poussés par un vent d’ouest de 12 à 14 nœuds sous gennaker. Stirrup Cay fait partie des Berry Islands, cet archipel en forme de croissant formé de petites îles entre Grand Bahama au nord et Nassau au sud, dans des eaux très poissonneuses liées à la proximité des grands tombants. Ces îles, pour la plupart privées, sont un paradis pour les pêcheurs : poissons pélagiques en eau profonde et bonefish dans les lagons pour les amateurs de pêche à la mouche venus du monde entier.

C’est grâce à la clarté de la lune que nous mouillons entre Little et Great Stirrup Cay. Le lendemain matin au réveil, on découvre l’environnement : une plage de sable fin aménagée avec transats, parasols, toboggans, jets skis et autres jouets pour accueillir les paquebots de croisière.

Nous découvrons avec un peu d’étonnement la nouvelle mode des Bahamas : les compagnies de paquebots rachètent à prix d’or des îles entières, et les configurent comme dans les Caraïbes, avec cocotiers sur la plage (quasiment inexistants à l’état naturel aux Bahamas).

Au petit matin, les paquebots arrivent de Miami ou Port Canaveral, déversent des milliers de passagers sur l’île, avant de repartir le soir vers Nassau puis New York, ravis d’avoir découvert cet ersatz de culture Bahamienne. Fuyons …

 

Eleuthera et ses îlots

Eleuthera est réputée pour ses plages de sable rosé, ses hôtels de luxe et ses spots de pêche. Très étroite, elle s’étire sur plus de 170 kms de long, avec deux renflements aux extrémités prolongés par des sortes de tentacules, pointes, îlots, récifs que l’on franchit par des passages étroits.

  • Royal Island

Deuxième étape pour rejoindre le nord d’Eleuthera, 70 miles plus loin, en partie au moteur. Nous arrivons cette fois juste à la tombée de la nuit à Royal Island; dans un abri naturel ovale, accessible par une petite passe. Environnement sauvage en dehors de quelques ruines du chantier du resort de luxe qui n’est jamais sorti de terre. Il n’y a de toute évidence rien à voir, et nous partons tôt le lendemain matin pour franchir à l’étale la passe d’accès au lagon sud, Current Cut, étroit passage qui, comme son nom l’indique est parcouru par un courant d’enfer.

D’ailleurs on est en retard, et le courant est déjà lancé à plus de 5 nœuds contre nous, à peine 1h30 après la pleine mer. Moteurs à bon régime, nous remontons un torrent. Le passage est spectaculaire, d’autant qu’il faut tourner à angle droit à la sortie en rasant des cayes, pour éviter un large banc de sable très peu visible. Encore une fois c’est la météo qui va décider de notre prochaine escale avec la prévision du passage d’un nième front orageux dans les 24h à venir.

  • Hatchet Bay

Spica va se mettre à l’abri à Hatchet Bay, plan d’eau circulaire parfaitement abrité de toutes les directions. Au départ un étang, ce plan d’eau a été relié à la mer dans les années 1930. Un ancien officier anglais a espéré faire fortune en fendant la falaise d’une ouverture de quelques dizaines de mètres de large –juste assez pour Spica.

 

 

Il semble que l’exploitation n’ait jamais vu le jour, mais l’accès de l’étang à la mer est resté, utilisé par de nos jours par les (rares) pêcheurs du village d’Alice Town.. A l’intérieur, on se croirait sur un lac, avec des berges sauvages et un fond herbeux. On partage le mouillage avec 3 ou 4 autres bateaux américains et canadiens. Comme prévu, nous essuyons de belles rafales d’orage à la tombée de la nuit. Personne ne dérape, bien que la tenue des ancres soit un peu aléatoire dans ce fond qui n’a rien de marin. Malgré quelques beaux coins, Alice Town est très inégale. Comme souvent dans les sites à l’écart du tourisme le village est très sale, avec des voitures abandonnées et des dépôts d’ordure un peu partout, et une maison sur deux est en ruine.

 

 

 
 
 

 

On connaissait “gone sailing”, “gone fishing”, ici c’est “gone conching”, qui fait référence à la pêche au lambi (le “conch”).

Quelques commerces et un resto qui sert du poulet surgelé. Quand on pense qu’ici des élevages intensifs de poulets ont apporté une prospérité éphémère, c’est un comble. Il ne reste plus de cette époque que les ruines des silos à grain et des poules et coqs partout en liberté. Sans parler des plantations d’ananas qui ont fait la fortune d’Eleuthera, rayés de la carte par la concurrence des productions d’Amérique centrale, qui se vendent à prix d’or à la « grocery » des villages. Triste sort pour cette île qui semble avoir globalement raté son développement. Il reste la bonne humeur et la gentillesse universelle de ses habitants.

  • Rock Sound

Le beau temps est revenu pour cette courte étape dans le lagon sud, sur une eau enfin turquoise (dès que le soleil disparaît, on ne distingue plus bien les fonds, et la navigation requiert beaucoup de prudence).

Le site est magnifique : immense baie boisée protégée de tous les vents, eau turquoise, rassemblement d’une dizaine de bateaux à l’ancre. Nous retrouvons Teiva, ancien Outremer 45 première génération de Xavier Desmarets, patron d’Outremer.

   

Le bateau a été revendu à Marie-Claire et Jean-Roch. Avec leur moussaillon Théo, ils terminent un beau tour d’Atlantique de 2 ans, et sont la preuve que, même avec une expérience initiale limitée, en se posant les bonnes questions on peut vivre une belle aventure en voyage en bateau. Nous passons une délicieuse soirée autour de rillettes de mahi-mahi maison, fort réussies par Marie-Claire.

A terre, petit village assez bien tenu, pas très actif; avec son bâtiment du gouvernement du rose réglementaire, et sa belle église au bord de l’eau.

La seule curiosité touristique est un « blue hole », lac intérieur parfaitement circulaire profond de 200 m, relié à la mer par des tunnels.

Un peu au nord du mouillage, quelques cocotiers, un ponton pour annexes tout neuf (et tout près d’un bon supermarché), c’est Frigate, qui attend les équipages pour un bon repas de cuisine bahamienne accompagné par le patron à la guitare.

 

  • Little San Salvador

On quitte Eleuthera en longeant sa belle pointe sud, prolongée par un pointillé de récif à parer de loin.

Sur le chemin de Cat Island, se trouve la petite île de Little San Salvador, réputée pour sa très belle plage baptisée Half Moon Bay par la compagnie de paquebots qui a acheté l’île. La ligne est de sortie dans le bras de mer large de 10 milles et très profond qui sépare les 2 îles. Pas de change, c’est un gros barracuda qui s’accroche, non comestible, sauf pour le requin qui n’en fait qu’une bouchée!

En s’approchant de l’île, on tombe complètement sous le charme de ce contraste entre le bleu marine de l’océan qui vient lécher la plage de sable blanc bordée d’un liseré d’eau turquoise.

Il fait beau et chaud et la baie est protégée de la mer. On tombe l’ancre juste devant la plage et… baignade. Le paquebot a le bon goût de s’en aller à 16h, nous laissant profiter du paysage sauvage. Plus loin à terre on aperçoit les constructions du village de vacances néo bahamien servant de décors pour les passagers des paquebots.

Nuit bercée par le ressac et le vent qui a forcé et est établi à plus de 20 nœuds le lendemain matin quand on lève l’ancre.

  • Cat Island

On ne sait pas si son nom est lié aux chats abandonnés par les espagnols après leur quête d’or, ou au pirate anglais William Catt qui en avait fait son repaire!

– Arthur’s Town

Le front annoncé est bien là. On bataille 6 heures au près à tirer des bords sous 2 ris et dans un gros clapot jusqu’à Arthur’s Town, et jusqu’à l’arrivée, on doute que cette grande baie soit abritée.

Mais dans des fonds de 3 mètres au bord de la plage, l’eau est calme et le vent est affaibli par les arbres. On avait lu que l’île était sauvage et peu touristique. Ce n’est pas peu dire : rien pour débarquer à terre, si ce n’est un vague quai de corail et une ville, supposée être la capitale, totalement fantôme, à part le poste de police où veille une policière.

Malgré un joli front de mer …

 

… la plupart des maisons semblent abandonnées.

L’église semble quelque peu surdimensionnée.

Plusieurs jolis bistrots en front de mer sont fermés et murés. On nous dira que la propriétaire de l’un, très célébre, est décédée à 85 ans, et que l’autre, Juila, est partie travailler à Nassau…

L’ambiance est un peu glauque, même les arbres ne semblent pas en grande forme…

 

 

 

 

– Bennett Harbour : 4 miles plus au sud se niche le “settlement” de Bennett Harbour, à l’entrée d’une rivière.

L’endroit est charmant, avec quelques jolies maisons le long de la plage, louées à l’année à des américains venus profiter du calme du coin, qui nous accueillent une bière à la main pour partager les derniers potins de l’île. Andrew fait du bon pain au lait de coco dans sa maison jaune près du débarcadère.

 

 

 

A condition de mouiller assez près de terre dans moins de 2 ml d’eau, l’abri se révèle parfait par ce vent musclé de secteur SE.

Notre visite de Cat Island va s’arrêter là, à l’annonce d’un coup de vent de sud et de l’absence de mouillage abrité par ce secteur. Nous ne visiterons pas Fernandez Bay ni New Bight, dominé par le mont Alvernia, point culminant des Bahamas, à 63 m d’altitude.

La journée de transition entre les deux fronts qui nous ramène à Eleuthera est très belle. 25 – 28 nds, 2 ris, Spica file en toute sérénité.

 

   

 

– Governor’s Harbour

Magnifique site devant une colline dominant la mer et une presqu’île délimitant une anse devant la ville. La tenue des fonds a mauvaise réputation et nous choisissons avec application un petit carré de sable entre les herbes du fond. Spica se sent tout seul au mouillage dans cette baie immense qui pourrait contenir des dizaines de bateaux.

La ville est superbe avec un  quartier de vieilles maisons récemment restaurées, rappelant que l’île s’est enrichie de la culture d’ananas au XIXème siècle, jusqu’à ce que la culture migre à Hawaï. Il ne reste que des décorations d’ananas partout sur les clôtures, les façades des maisons, les lampes, façon art-déco.

 

Même le recyclage des pneus de camion traduit un certain bon goût.

C’est la première ville qui respire la prospérité depuis notre départ.

A nouveau, nuit d’orage…

 

– Spanish Wells

On retraverse le lagon est d’Eleuthera, sur une mer turquoise rendue enfin magnifique par le beau temps retrouvé, jusqu’à la pointe nord-ouest  de l’île, débordée par un îlot, Saint George’s Cay, entièrement occupé par la ville de Spanish Wells.

On y accède par un étroit chenal entre deux îles recouvertes de mangrove, chenal qui donne accès à un bras de mer entre la ville et les îlots en face.

Son histoire est intéressante : du fait de ses puits d’eau douce, elle a servi aux Espagnols pour refaire le plein dans leurs va-et-vient vers le Nouveau Monde. Puis débarquent au nord d’Eleuthera en 1648 des puritains anglais avec à leur tête, William Sayle, qui sont connus comme “les aventuriers d’Eleuthera”. Ils vivaient dans une caverne et certains vont sur Spanish Wells et d’autres à Harbour Island, îlot côté nord-est. La migration suivante est celle des Loyalistes en 1785, colons anglais refusant l’indépendance des Etats Unis. Le résultat est un port de pêche très actif, une ville animée dans la journée, avec un trafic incessant sur le port de ferrys, de taxis-boats, de bateaux de pêche et de plaisanciers, surtout des bateaux rapides de pêche au gros mais aussi quelques voiliers et motor yachts. Partout de très belles maisons traditionnelles.

Petit clin d’oeil à notre ami Louis-Bernard, tous les moyens sont bons pour remplir les églises, et ça a plutôt l’air de marcher!

 

Notre projet  est d’aller visiter Harbour Island, îlot au nord-est d’Eleuthera, dont l’accès peut être risqué si les conditions ne sont pas parfaites. Nous avons décidé de laisser Spica à Spanish Wells Harbour Marina et de prendre le ferry pour Harbour Island. Bien que l’on ne soit pas fans des marinas, il faut reconnaître que celle-ci est particulièrement réussie, avec son petit bar juste au dessus des docks, sa piscine et ses salles-de-bains en marbre!

Le plaisir de l’escale surtout lié à la rencontre de Bénédicte, Loïc et leurs moussaillons Victor, Arthur et Anna sur Moby, Outremer 51 mis à l’eau la même semaine que Spica. Ils finissent un exceptionnel tour du monde en 2 ans et demi, et sont aussi enthousiastes des Bahamas que nous. Echanges passionnants un verre à la main dans nos deux bateaux, et au resto de la marina, à nouveau sous un déluge. Bon vent à eux pour leur transat retour et surtout leur ré acclimatation à Plougonvelin !

 

Moby à Spanish Wells…
…devant la piscine.

Quant à la visite de Harbour Island, surprise, la charmante petite île s’avère totalement « boboïsée ». Elle est transformée en un enfer de voitures de golf transportant des américains bedonnants à qui il ne viendrait pas l’idée de traverser à pied les quelques 500 m  de l’épaisseur de l’île, circulant en tous sens en pétaradant. Bien sûr, la plage de sable rosé côté océan est sublime.

Les cottages restaurés s’arrachent à coup de millions de dollars (mais oui!), les agences immobilières s’appellent Christies ou Sothebys.

Ici pas de poulets dans les rues, ni de carcasses de voiture. Bahamas, terre de contrastes…

Pour notre part, nous préférons l’authenticité de Spanish Wells.

On se donne un dernier jour en raison d’une panne d’alizé, et nous voilà partis à vélo sur l’île voisine de Russel Island, reliée à Spanish Wells par un petit pont : île agricole et résidentielle avec de superbes plages.

 

Attention où on met les mains…

Après un dernière soirée à bord de Moby, on se sépare le lendemain, cap sur les Bermudes pour eux, petite traversée de 50 milles pour Abaco pour nous.

 

 

5 Responses

  1. Philippe Lobert

    Toujours un plaisir à vous lire.
    Merci pour le dépaysement et le partage de vos découvertes.

  2. Cécile

    Et c’est reparti pour quelques mois ! ça commence avec un temps pas toujours au top, mais de la chaleur et de l’eau turquoise.

  3. Marie et bernard demay

    Merci christine et michel de ce tres beau blog . “Mandala ” est toujours en grèce où le meltem a déjà fait son apparition dans les cyclades ! Amitiés . Marie et bernard demay

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