Tuamotu : Apataki

Classé dans : Pacifique, Polynésie | 6

31 octobre, il est temps de songer à se rapprocher de Tahiti pour préparer la fin de saison. Mais la météo n’est pas de notre côté, elle prévoit un calme persistant, avec de grosses pluies. Le voilier Tanga, qui fait la même route que nous depuis les Marquises, décide d’y aller. Cécile et Matthieu nous diront plus tard avoir eu une traversée pénible, sous la pluie et au moteur. A plus long terme, le cisaillement entre l’alizé de NE et de SE semble glisser vers le sud, ce qui nous laisse du temps pour prendre les chemins de traverse via Apataki, Rangiroa et Tikehau.

De l’anse Amyot, seulement 20 milles nous séparent de la passe sud d’Apataki. Départ matinal, mais rapidement, le ciel nous tombe sur la tête, avec un déluge qui a raison du joint d’un des hublots du carré! Malgré la visibilité nulle, nous décidons de continuer, il sera toujours temps de faire demi-tour en arrivant à la passe, si la visibilité reste aussi mauvaise.

Pari gagné, le ciel se dégage un peu juste devant la passe et le vent tombe complètement.

Le courant entrant nous propulse à 5 noeuds devant le village, qui se situe le long de la passe, le seuil étant loin à l’intérieur du lagon.

Un petit quai pour les bateaux ravitailleurs, une petite anse d’eau turquoise dont l’accès, entre deux balises, semble bien étroit, c’est tout ce qu’on aura vu du village.

Les fermes perlières sur pilotis ont été abandonnées sous la pression de la concurrence chinoise.

Il faut partir au nord du lagon pour être abrité du vent de nord dominant, 12 milles plus loin. L’un à la barre, un œil sur la photo satellite, l’autre à l’avant du bateau en vigie-patate. On longe le récif intérieur côté est et on passe devant le carénage, seul chantier des Tuamotu qui stocke les bateaux à sec.

On s’était renseignés, et malgré sa bonne réputation, on n’avait pas donné suite pour trois raisons : zone cyclonique, faible hauteur non protégée des tsunamis et difficultés d’accès depuis que la liaison aérienne a été supprimée : Apataki se débat en effet avec des problèmes typiquement polynésiens, d’un côté un aéroport construit en 1977 sur le récif dont on ne peut pas allonger la piste, de l’autre côté de la passe des propriétaires incapables de s’entendre pour le déplacer. En attendant, plus de vols, il faut prendre le bateau et faire une traversée souvent agitée vers l’atoll voisin d’Arutua et sa passe profonde de moins de 2 m…

Après avoir slalomé entre les patates, il faut éviter les bouées des fermes perlières dont certaines, abandonnées, sont à moitié coulées. On arrive finalement au coin nord-est de l’atoll, devant une cocoteraie touffue.

Epuisés par cette veille, nous jetons l’ancre vers 16 heures en essayant de viser le sable.

Pas un bruit, une cabane à terre avec une petite lumière. Seuls au monde ! On est récompensés par un splendide coucher de soleil.

Le lendemain 1er novembre, le lagon est un lac sans aucune ride.

Un petit coup de drone nous montre qu’on ne peut pas extrapoler la densité de patates à partir de celles qu’on voit près de la plage. Ici, la plage est complètement envahie, alors que la partie plus profonde est relativement libre (à moins qu’on s’habitue…).

On se baigne pour se rafraichir. Dans l’après-midi le propriétaire de la cabane en face vient nous rendre visite et nous passons l’après-midi à bavarder. Cet homme de 40 ans a travaillé de nombreuses années dans les fermes perlières comme plongeur puis gérant. Mais la dureté du métier lui fait changer d’orientation. Il est incollable sur le métier et l’organisation des fermes. A Apataki, un jeune chinois s’est installé il y a 10 ans, a développé une ferme perlière existante et, par son travail et son management, a évincé tous ses concurrents. Par son rendement, avec 13 greffeurs de sa famille, il a fait chuter le prix des perles et racheté les fermes concurrentes en dépôt de bilan. Mais il est respecté car il donne du travail à une quarantaine de familles d’Apataki… On en apprend plus sur la structure d’une ferme, utile si on se perd dans le dédale des bouées : les bouées sont raccordées à un corps-mort par un câblot vertical. A 6 mètres de profondeur, un autre câble relie à l’horizontale les verticaux, et c’est à ce câble horizontal que sont accrochés les poches ou les tubes qui contiennent les huitres. En général, chaque huitre donne 3 générations de perles, après quoi on peut déguster la chair centrale, le koriri, sous forme de carpaccio délicieux, qui ressemble à de la coquille St Jacques.

Au troisième jour, on quitte notre mouillage de bout du monde par mer d’huile, avec une météo prévoyant un vent faible de nord-est 5 à 10 nœuds. On sort à 14 heures par la passe nord de Tehere, parfaitement calme à l’étale, en direction de Rangiroa.

Mais souvenons-nous, aux Tuamotu, c’est par calme plat que les mauvais coups se préparent, on va le vérifier la nuit suivante.

6 Responses

  1. Hosteing

    J’aime votre complicité et vos partages.
    Ça sent plein d’humilité et d’amitiédeur.
    À tout âge, les voyages forment la jeunesse
    François

  2. Jean-pierre Roux Levrat

    Comme une série addictive on attend la suite des aventures de Spica et de son équipage .
    Amitiés

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