Iles Sous-le-Vent : Raiatea

Classé dans : Pacifique, Polynésie | 4

“En examinant ce qu’est le bonheur dans ce monde, je ne crois pas qu’il y ait aucun peuple aussi heureux.” – James Cook – 2ème voyage 1772, départ de Matavai (Tahiti) pour “Huaheine”.

Les Iles Sous-le-Vent.

Au sud-ouest des Tuamotu, le vaste archipel des Iles de la Société (baptisé par Cook en 1769) s’étend sur 280 milles de Tahiti à Mopelia, avec deux groupes distincts selon leur position par rapport au vent dominant : les Iles du Vent (Tahiti, Moorea), et les Iles Sous-le-Vent (Raromatai en tahitien). Des Iles Sous le Vent, on ne connaît généralement que Bora-Bora. Mais l’archipel comprend 6 iles principales : Huahine, Raiatea et Tahaa dans le même lagon, Bora-Bora juste au nord-ouest, plus loin Maupiti et très loin à l’ouest Mopelia où ne vivent que 7 familles.

Elles sont toutes exceptionnelles de beauté, mélange de paysage des Marquises avec la montagne qui tombe dans la mer, et des Tuamotu avec des lagons très spectaculaires. Elles sont suffisamment proches pour qu’on navigue à vue de l’une à l’autre et qu’on retrouve facilement au mouillage les copains de bateau, au gré des navigations de chacun. L’accès des 4 premières îles est facile, et les chenaux dans les lagons sont parfaitement balisés. Même si on doit rester vigilant avec le corail au voisinage des zones balisées, la navigation est beaucoup moins stressante qu’aux Tuamotu, et on trouve partout de très bons abris, même si les meilleurs sont en plein vent derrière les récifs. Le vent est de secteur est (NE à SE) pour 15 à 20 nds, avec des accélérations près des reliefs, et sous les grains, le courant général est significatif, au moins 1 nd, qui porte au SW. La houle est fréquente en hiver au passage d’une dépression de Nouvelle-Zélande au Cap Horn, 4 m de hauteur ne sont pas rares, condamnant pendant plusieurs jours l’accès à certaines passes, voire à une île entière, comme Maupiti.

Pour les mouillages, c’est plus compliqué. Les baies sont trop profondes, plus de 20 mètres, pour pouvoir mouiller. Quelques bouées ont bien été installées mais elles sont, soit en nombre insuffisant, soit mal entretenues, soit payantes comme à Bora. La meilleure option est de mouiller sur les bancs de sable de faible profondeur, au contact des barrières de corail, dans une eau turquoise virant sur le jaune pâle, avec un petit motu à l’horizon. Malheureusement, des arrêtés territoriaux se multiplient pour les interdire, dans un esprit de rejet des bateaux de voyage qui règne depuis quelques mois en Polynésie.

Les guides nautiques sont peu nombreux : le Charlie’s Charts est le seul exhaustif, bien que souvent sommaire et ancien (sa dernière version de 2020 reprend l’ancienne sans véritable nouveauté). Il décrit très bien les passes mais pas du tout les mouillages. Le loueur Dream Yacht Charter a mis en ligne à l’usage de ses clients un guide plutôt bien fait, qui donne des renseignements précis sur les mouillages. C’est une base largement suffisante, complétée du bouche à oreille et de nos propres explorations.

Voilà notre nouveau terrain de jeu pour ce printemps 2022, où 2 équipages se succèderont à bord pour une petite quinzaine chacun, Liliane et Jean-Pierre, puis Caroline et Philippe. L’accueil traditionnel aux colliers de tiare est de mise à l’aéroport, avant de rejoindre Spica en annexe, de manière plus ou moins humide…

Raiatea, l’île sacrée

Le 18 avril, nous retrouvons Spica qui a hiverné au sec, au Chantier Naval des Iles Sous-le-Vent (CNI). Sorti de l’eau par une équipe très professionnelle fin novembre 2021, il n’a pas souffert des pluies diluviennes du mois de janvier. Après ces 5 mois de pause, pas de catastrophe, juste une batterie moteur HS. On a 10 jours pour faire l’antifouling, changer les trampolines (ce qui nous prendra plus de la moitié du temps), remettre en place les voiles, remonter la girouette.

Dans le chantier voisin, visite à Tamata, le dernier bateau de Bernard Moitessier.

Pour éviter l’inconfort du chantier, on a loué un bungalow à la voilerie Orion, juste en face du chantier. Cela nous permet de récupérer des travaux de la journée et de faire notre cuisine. Remise à l’eau impeccable le 27 avril, derrière notre tracteur.

On reste encore quelques jours à la marina pour terminer la préparation (et se remettre au rythme polynésien…). En plus, on a retrouvé des têtes connues et fait d’autres rencontres, avec un marché en commun à Uturoa.

Le dimanche, tout est fermé, quoi de mieux qu’un sérieux apéro sur Spica, avec Isabelle et Sylvain (Oxygen), Nathalie et Michel (Tao), Elie et Gérard (Capella), Christophe (“papy moustache”, Sercul), Franz (Bright Star), Frédérique et Bruno (Orpao). Un excellent moment avant de se séparer pour se retrouver au gré des nav de chacun.

Et on en profite pour visiter l’île à terre avec l’équipage d’Orpao, que nous retrouvons avec plaisir. Relief volcanique tourmenté, des pics de 1000 mètres, sa végétation luxuriante, son lagon turquoise, la frange d’écume de la barrière de corail, c’est un paysage très spectaculaire. La capitale Uturoa, deuxième commune du pays, capitale économique et administrative des Raromatai, concentre la majorité des 12 000 habitants de l’île. C’est une petite ville très active, avec son marché, ses supermarchés, ses boutiques, l’hôpital et plus loin l’aéroport. Plusieurs vols par jour la relient à Tahiti. La gare maritime accueille les navettes maritimes et les paquebots. Au premier étage du marché, il y a un centre artisanal de qualité. De beaux murals décorent la gare maritime.

A la sortie d’Uturoa, seule la frange littorale est habitée, sous forme de petits hameaux, desservis par une route de 100 km qui fait le tour de l’île. A Opoa, la visite du marae Taputapuatea nous plonge dans l’histoire de la Polynésie toute entière. (rappel : un marae est un espace sacré réservé aux cérémonies religieuses et politiques).

Dans la culture polynésienne, Raiatea est l’île sacrée, appelée Havai’i Nui, où les premiers Ma’ohis seraient arrivés il y a plus de mille ans sur de grandes pirogues. Elle est au centre du triangle polynésien, d’où serait partie la colonisation des autres îles du Pacifique, Hawai au nord, les îles Samoa, Tonga, Cook à l’ouest, la Nouvelle Zélande au sud-ouest, les Australes et les Gambier au sud, l’île de Pâques à l’est, les Tuamotus et les Marquises au nord-est. Cette colonisation en étoile est symbolisée par une pieuvre avec son corps sur Raiatea, étendant ses tentacules sur chacune des îles. Ce marae, le plus grand de toute la Polynésie, s’étend sur plus de 6 ha au bord de la mer, entre la passe sacrée et le sommet de la montagne. Il est formé de plusieurs plateformes dont la plus grande dédiée au dieu ‘Oro, fils du dieu créateur Ta’aroa.

Le marae était considéré, à l’arrivée des Européens, comme le centre spirituel et le siège du pouvoir de Polynésie Il accueillait les délégations des autres îles sur de grandes pirogues qui entraient dans le lagon par la passe sacrée. Par son importance historique, le site a été inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 2017.

Plusieurs randonnées sont accessibles, nous choisissons la randonnée des 3 cascades avec Thierry Laroche, guide professionnel que nous recommandons.

De la route traversière du sud, on accède au site des gabbros, pierres volcaniques sculptées par l’érosion dans la caldeira effondrée.

De là on peut monter sur la crête des Macaranga avec une vue dégagée jusqu’à la côte.

La culture des perles est relativement récente aux Iles Sous-le-Vent. La visite de la petite ferme perlière Vairoa, sur la côte est au sud d’Uturoa, est très intéressante et les perles sont belles, bien montées et abordables.

Pour ce qui est des restaurants, on a l’embarras du choix, la cuisine de roulotte à la cuisine gastronomique, on s’est régalé partout.

Après avoir goûté aux charmes de Raiatea côté terre, il nous tarde de découvrir le lagon avec Spica. Le lagon est presque entièrement navigable, sauf 4 miles sur la côte ouest.

Le lagon communique avec l’océan par 8 passes. Deux grandes passes accessibles tout le temps : à l’est la passe Teavapiti, qu’empruntent les paquebots et navires de ravitaillement, à l’ouest la passe Rautoanui (couramment appelée Miri Miri), également large et bien balisée. Au sud-ouest la petite passe Toamaru est également facile d’accès. Les autres sont plus scabreuses.

En sortant du chantier, notre premier mouillage est au nord de l’île, dans cette partie du lagon qui est commune à Raiatea et Tahaa, juste en face de la capitale Uturoa, sur un banc de sable blanc dans 1,80 mètre d’eau, au motu Aito (motu artificiel), au milieu d’autres bateaux, près de nos amis d’Orpao.

L’accès se fait par le nord entre la barrière et un grand banc, par un chenal étroit qu’empruntent tous les bateaux légers qui font la navette entre Raiatea et Tahaa, l’accès sud étroit et mal pavé, nous semblant trop risqué. Il règne la plus grande confusion quant au statut de ce mouillage qui serait désormais interdit sans aucune raison objective. C’est vraiment dommage car c’est le seul mouillage permettant de faire les courses à Uturoa et un des plus proches de l’aéroport pour un changement d’équipage.

Nous choisissons le sens des aiguilles d’une montre pour faire le tour. On longe le village d’Uturoa, puis des baies peu profondes jusqu’à la profonde baie de Faaroa, et sa rivière navigable en pirogue ou kayak (que nous ne visitons pas, plus attirés par des mouillages plus maritimes).

Les belles maisons du bord de mer laissent vite place à un paysage plus sauvage.

Souvent, des va’a rejoignent notre sillage pour se faire aspirer.

On rencontre plusieurs belles fermes perlières, côté récif ou côté terre.

A la rencontre entre l’alizé et la montagne, la condensation produit de curieux phénomènes comme cet arc en ciel aplati.

A la pointe Atiapiti on rase le marae de Taputapuatea en face de la passe étroite de Teavamoa, la “passe sacrée”. Une immense étendue de sable blond plat sans corail s’étend du chenal au récif au sud du motu Oatara (il faut l’aborder par le sud), face à Huahine. On mouille en plein milieu dans 2 m de cristal, parmi les raies, et on est absolument seuls au monde.

En prime, une éclipse de lune.

C’est un spot de paddle unique!

En plus, juste en face à 1/4 h de dinghy, se trouve l’un des meilleurs restaurants de l’île dans un hôtel de charme, Opoa Beach, au bout d’un dock interminable.

Moe nous accueille d’un tonitruant “Maeva Michel!” suivi d’un rire contagieux dont les polynésiens ont le secret.

En poursuivant notre tour de l’île, on arrive en face de la grande baie de Faatemu. A chaque visite, nous verrons un ou deux bateaux au mouillage à l’entrée de la baie, sous le vent de l’île Hiao. Côté récif, le motu privé Nao Nao est précédé d’un banc de sable très spectaculaire, de l’autre côté de la passe Nao Nao (la plupart du temps impraticable). On rappelle que les couleurs de nos photos ne sont jamais retouchées…

A la pointe ouest (à droite), un ou deux bateaux peuvent mouiller sur un petit banc de sable, mais on ne peut pas débarquer à terre, le motu étant privé et interdit (tabu).

Après avoir contourné la pointe sud de l’île, on remonte côté ouest avec un paysage montagneux toujours aussi magnifique. Le chenal devient plus étroit et sinueux puis disparaît juste au nord de la passe Toamaro. Au nord du motu du même nom, on trouve une langue de sable étroite sur des fonds de 2 à 3 mètres, d’accès un peu scabreux, mais qui fournit un bon mouillage, très spectaculaire au pied d’une falaise de basalte imposante, le mont Tehiupa.

La nuit suivante est agitée par des williwaws (vents tourbillonnants descendant des montagnes et canalisés par le relief). Sans parler de la pluie qui dégringole des pentes en rideaux épais!

Et encore une fois, sans qu’on l’ait fait exprès, une petite pension, Fare Vai Nui, sert une cuisine mi-polynésienne, mi-française délicieuse!

Ensuite il faut sortir du lagon sur 4 miles et rentrer par la passe Miri Miri, large et bien balisée. Plus au nord, on retrouve les chantiers, CNI, Raiatea Carénage spécialisé dans le renflouement et les réparations des bateaux échoués et AluMarine, constructeur de bateaux alu. On peut mouiller sur le banc de sable en face, sur des fonds de sable, en entrant par les langues d’eau profonde..

Ce mouillage est de plus en plus fréquenté depuis l’interdiction de mouiller au motu Aito en face d’Uturoa. La baie suivante abrite la marina d’Apooiti, principalement occupée par les bateaux de location de Dream Yacht Charters et Moorings. Puis il faut prendre un large tour pour contourner la zone interdite en face de l’aéroport. Et notre tour de Raiatea se termine devant Uturoa.

4 Responses

  1. JP Roux-levrat

    Ia Orana !
    Que de beaux souvenirs de ces iles si douces et que d’incompréhension face à ces interdictions de mouillage.
    Revoir Moe est un vrai rayon de soleil.
    Merci et bon vent!

  2. Marchand

    Vous avez l’ Plutôt bien dans ce pays de rêve
    Profitez bien amitiés
    Jean-Louis

  3. Claire

    Pas de souvenirs pour nous….mais on rêve de s’en faire, c’est si beau. Quelle belle navigation.
    Profitez!

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