Clin d’oeil, l’avion pour St Martin survole exactement le Crouesty et Quiberon…
Non vraiment nous n’avons pas le bon feeling avec St Martin. Pourtant sa beauté naturelle l’a propulsée parmi les stars du tourisme caraïbe. Il faut dire que son relief tourmenté, ses nombreuses baies et plages de sable fin, son lagon, en font un paradis pour les amoureux de la mer. Côté navigation, les plus beaux et les plus grands yachts s’y retrouvent régulièrement lors de leur migration annuelle Baléares – Caraïbes. L’ile est partagée en deux pays distincts, Saint Martin au nord-ouest, département français d’Outremer plus ou moins lié à la Guadeloupe et Sint Maarten pour le reste, vaguement dépendant des Pays-Bas mais en pratique très indépendante.
Contrairement à la plupart des îles revendiquées par les anglais et les français, le partage entre la France et les Pays-Bas n’a pas donné lieu à un bain de sang. La légende raconte que la frontière a été tracée à la rencontre entre un soldat français muni d’une bouteille de vin parti de la côte nord et d’un soldat néerlandais muni d’une bouteille de gin parti de la côte sud. Le vin étant moins alcoolisé que le gin, le soldat français a fait plus de chemin c’est pourquoi St Martin est plus étendu que St Maarten! Mais les salines, côté hollandais, représentaient une richesse bien plus grande. Après le déclin des salines et des plantations de coton et de canne à sucre, l’île a bénéficié depuis les années 60 d’un essor touristique majeur, lié à l’implantation d’un aéroport international côté néerlandais et de dispositions fiscales côté français. Depuis, les deux parties de l’île semblent s’ignorer l’une l’autre. Côté néerlandais, bétonnage massif des bords de mer, des condominiums ultra sécurisés partout, 12 casinos, un terminal pour paquebots, un étalage de boutiques de luxe et une agitation frénétique rythmée par les atterrissages et décollages des gros porteurs déversant leur lot quotidien de touristes, principalement américains, sur ce minuscule bout d’île. Côté français, un tourisme plus familial, deux villes assez créoles à l’ambiance décontractée, Marigot…
… et Grand Case.
Côté plaisance, il y a un net clivage : les grandes infrastructures, les grands shipchandlers côté Néerlandais, les artisans plutôt côté français. A ce titre, nous avons laissé Spica à terre chez Bobby’s Megayard (prestation de manutention vraiment de très grande qualité, terre-plein gardienné nuit et jour).
Le prestataire Volvo se trouve par contre côté français. Une mention pour L’Ile Marine : nous avons découvert par hasard que les VHF vendues en Europe étaient incompatibles avec le plan de fréquence US. Appel au secours du fournisseur, Icom, pas de problème, il faut juste “débrider” la mémoire de la radio. Opération pas tout à fait anodine, que le technicien du shipchandler L’Ile Marine, Alfred, exécute avec compétence, sourire et gratuitement.
Deux jours après notre retour, le 22, c’est quand même une délivrance de remettre Spica à l’eau.
Pour faire nos courses de départ au Carrefour tout proche, nous avons choisi la marina “Port de PLaisance”, apparemment de grand luxe mais qui nous proposait un tarif imbattable. Dans la série “j’ai testé” : un emplacement royal, devant les pelouses d’un beau parc rempli d’iguanes, dans un calme parfait.
Mais une prestation calamiteuse : notre réservation oubliée, un emplacement tellement grand que nous n’avions même pas assez d’aussières à bord pour s’amarrer (pourtant on en a…), des toilettes qui devaient ne jamais avoir été nettoyées, pas d’électricité pourtant contractuellement prévue (ni d’adaptateur d’ailleurs disponible), etc…, bref la cata. Le plus curieux, c’est que la marina est construite autour d’une île qui abrite un magnifique hotel, construit dans de beaux jardins au ras de l’eau. Problème, en s’approchant on se rend compte que tout est factice. Les bâtiments n’ont jamais été terminés, la piscine jamais mise en eau, et seuls des jardins parfaitement entretenus et la peinture fraîche font illusion!!
Deux jours plus tard et quelques dizaines de dollars de plus laissés à la clearance, il est temps de sortir du lagon, samedi 28 avril, pour retrouver le large et le calme, direction Anguilla, changement d’univers.
Anguilla, un confetti au milieu des petites Antilles, une terre basse aride, sans atout.
Elle aurait pu faire partie d’un trio avec Saint Kitts et Nevis, lors de leur indépendance, tel était le plan des britanniques. C’était sans compter sur le leadership d’un paysan local, James Ronald Webster. Il prit la tête de la contestation (baptisée “révolution”) en 1967 Le 11 mai, il renvoya les policiers de St Kitts dans leur ile et se déclara président autoproclamé de la République Indépendante d’Anguilla. En 69, les britanniques envahirent l’ile, sans rencontrer de résistance (répétition avant la guerre des Falklands 10 ans plus tard?). Mais ici, la fraternisation entre les locaux et les soldats anglais, l’absence d’enjeu international et l’intervention de l’ONU donnèrent raison à la détermination de la population d’Anguilla, qui conduisit à son indépendance en décembre 80 et à l’apparition d’une nation de 14000 habitants sans autre ressource que le soleil et quelques belles plages.
Intelligemment, ces atouts ont été exploités pour contrebalancer le tourisme saturé et bling bling de St Martin toute proche. Malgré l’impossibilité d’accueillir des gros porteurs sur son petit aéroport et l’absence de port, elle a su développer un tourisme de charme. En dehors de Road Bay, le mouillage principal,
tout le domaine maritime est devenu un parc naturel d’accès réglementé. Les jet-skis, cette plaie de St Martin, ont été purement et simplement interdits. Et c’est vrai que l’ambiance est bon enfant à Road Bay, avec sa douane et son immigration sur la plage, qui nous accueille avec un grand sourire et moult “welcome in Anguilla”. La plage, située entre Road Bay et une très belle lagune couverte d’oiseaux bizarres, est bordée de bars et restaurants distillant de la musique jazz ou reggae pour les équipages mouillés dans la baie ou les touristes venus se distraire de leurs hôtels de luxe (une mention pour Roy’s, excellente salade de langouste et wifi parfait!).
Dimanche, c’est le premier jour de régate de la saison. Les répliques de yoles traditionnelles autrefois utilisées pour le transport, hyper-toilées, sont de sortie. Elles sont menées, dans un alizé musclé, par une vingtaine de gaillards chacune et le spectacle est magnifique.
Nous ne prendrons pas le temps de visiter l’île, où il n’y a apparemment rien à voir : on nous a regardés avec des yeux ronds quand on leur a demandé si ça valait le coup de partir à pied à la capitale! Alors nous laisserons Anguilla avec ses fiers habitants et ses rêves de grandeur.
Louis-Bernard
Merci pour cet aperçu Illustré de votre première étape printanière…
Profitez bien de ces eaux magnifiques, loin du tumulte stérile de la métropole….
Bien amicalement.