Tahuata
Remise à l’eau de Spica le 2 septembre au lieu du 20 juillet! On a soif de mouillage sauvage, pas trop loin du chantier, au cas-où…
Direction Tahuata de l’autre côté du canal du Bordelais, à 2 heures de navigation, dans la magnifique baie d’Hanamoenoa, où on retrouve Lionel et Bruno.
Vie de Robinson, grâce à Lionel qui fournit les langoustes et les cochons sauvages. Plus marquisien que les marquisiens, il est capable de pêcher la langouste de nuit à la pointe de la baie et d’attraper les cochons sauvages grâce à une combinaison de pièges.
Ces quelques jours de convivialité dans un cadre paradisiaque nous ressourcent. Le voyage reprend vraiment maintenant.
Ua Pou
On était frustré en 2019 de n’avoir passé qu’une nuit à Ua Pou. Alors on décide de rester plus longtemps. Les 71 milles entre Tahuata et Ua Pou sont avalés en une grosse demi-journée, par un alizé musclé de sud-est à 18-25 nœuds (en dehors d’un trou de vent complet de 2 heures dans le dévent d’Hiva Oa)
Au fur et à mesure qu’on se rapproche de Ua Pou, on voit émerger les pitons rocheux dont les sommets restent cachés par les nuages, paysage typique des Marquises.
Hakahau, village principal, est situé au nord-est, cerné par des falaises acérées. Une digue a été construite pour abriter la baie mais seule la partie est est protégée de la houle.
Un grand monocoque en piteux état est mouillé à l’endroit idéal par une ancre avant et une aussière tirée à terre ; on apprendra qu’il sert de résidence secondaire flottante à un kiné qui vit à terre. On trouve une petite place scabreuse entre lui et le quai dans une eau parfaitement calme, en mouillant une ancre arrière, en face d’une jolie plage.
La baie est très sèche, entourée de collines d’acacias gris qui ont remplacé la végétation endémique. Le village est joli, vivant avec un terrain de tennis très animé au centre. On grimpe au gîte de Jérôme et Elisa au dessus du port, adresse incontournable : ils tiennent une pension depuis plusieurs années, avec une superbe terrasse panoramique face au coucher du soleil, d’où on peut surveiller son bateau un verre à la main.
Elisa fait une cuisine franco-marquisienne élaborée, Jérôme fait des cocktails délicieux. Il a surtout une autre corde à son arc : il est guide professionnel et organise des sorties en 4X4 et des randonnées.
La balade en 4X4 longe la côte est avec un point de vue sur la vallée d’Hakamoui, anciennement la plus peuplée mais aujourd’hui déserte.
Jérôme nous détaille la géologie des Marquises et plus particulièrement de Ua Pou, dont les pics sont les vestiges de laves très visqueuses riches en silice qui ont résisté à l’érosion contrairement aux pierres qui les entouraient. Plus au sud, le site archéologique de Hohoi, très bien dégagé, avec un grand tohua, les terrasses autour pour les rituels sacrés.
C’est là qu’ont eu lieu les fêtes du festival des Marquises de décembre 2019. On s’arrête ensuite chez un sculpteur qui travaille la pierre fleurie. Cette pierre a été découverte en 1972 par des géologues et est unique au monde : ce sont des phonolithes contenant deux minerais dont la cristallisation est en forme de fleur de couleur marron ou verdâtre. Elle est sculptée pour faire des objets décoratifs mais elle est très difficile à travailler car très dure et cassante. Nous descendons jusqu’à la plage où nous trouvons des galets de pierre fleurie.
La première randonnée est la traversière Hakahau – Hakahetau que nous faisons avec un groupe de professeurs et une infirmière récemment arrivés aux Marquises. 4h30 de marche avec un col au milieu d’où on a une vue somptueuse sur les pics du centre de l’île, qui culminent à 1000 mètres et qu’on a la chance de voir dégagés.
Une immense cocoteraie s’étend jusqu’à la côte.
En descendant, arrêt à la cascade Vai’ea, où on se baigne dans une eau délicieusement fraiche.
On termine par un déjeuner chez Ti Piero. Ancien maître d’hôtel de la Jeanne d’Arc, haut en couleurs, il a jeté l’ancre à Hakahetau où il a monté son restaurant. Champion du monde de ribs revendiqué, il a d’autres cordes à son arc : poisson fumé, en ceviche et grillé le premier jour, calamars farcis le deuxième !
Deuxième randonnée : la boucle de Poumaka. On monte d’environ 700 mètres au dessus d’Hakahetau par un sentier raide dans une forêt de pandanus, jusqu’au pied du pic Poumaka.
La descente se fait sur un terrain raide et glissant sur les feuilles de pandanus, sécurisé par les crampons que nous a prêtés Jérôme, avec de belles vues sur le pic.
Sur le chemin du retour, petit stop à la fabrique de chocolat de Manfred, ancien pilote d’hélico est allemand, installé ici depuis 26 ans. Nous avons adoré son chocolat parfois décrié et, comme on est en manque, on lui achète plusieurs plaques différemment parfumées.
Après tous ces efforts, on goute des petites balades autour d’Hakahau : la baie d’à côté Anahoa est bordée d’une belle plage de sable blond heureusement sans nono ce jour- là : on se baigne dans les rouleaux pour se rafraichir. Montée à la croix pour admirer le paysage.
Au faré artisanal, une grande quantité d’artistes exposent leurs objets et on repartira avec une pierre fleurie sculptée.
Ua Pou, île splendide, très active et fière de sa culture, la plus peuplée des Marquises mérite bien un séjour prolongé.
Nuku Hiva
Dimanche, temps breton : sous un ciel pluvieux, entre des grains menaçants, au portant, 20-25 nœuds avec rafales, pour Taiohae, capitale de Nuku Hiva et des Marquises, heureusement qu’on fonce et qu’on est à l’abri 2h30 plus tard. Le site est majestueux avec le village au centre d’une caldeira effondrée dominée par une ligne continue de crêtes à 800 mètres de hauteur.
Une trentaine de bateaux seulement au mouillage dans la grande baie qui, parait-il, en accueillait jusqu’à 300. Aujourd’hui le mouillage est assez calme, mais on sait qu’il peut être rouleur car exposé à la houle de secteur sud, mais la tenue y est excellente, dans 10 m d’eau. On y retrouve John l’Enfer, le cata de Maria et Vincent Roche gérants du chantier d’Hiva Oa. Vincent est en train de monter un magasin d’accastillage à Taiohae, annexe de son chantier.
Le quai est plus sympathique qu’à Atuona, même s’il manque un petit ponton pour amarrer les annexes. On trouve un snack avec wifi ouvert tard le soir, un « Yacht Service » avec laverie, tenu par un américain et une polonaise. Les pêcheurs débarquent ici leur poisson qu’ils vendent directement. Le soir c’est parfois un peu glauque. En ce dimanche, tout est fermé sur le front de mer qui s’étire sur 3 kms de long.
Comme à Ua Pou, on va troquer nos chaussures de bateau (en fait on n’en met plus depuis longtemps !) contre nos chaussures de marche. Visite à pied de la baie Colette à l’ouest et du point de vue de la sentinelle à l’est qui domine l’entrée de la baie.
Le village de Taiohae ne se limite pas au front de mer de 3 kms mais s’étend sur les collines environnantes avec des commerces très dispersés et des maisons entourées de grands jardins. Sur les 2000 habitants, beaucoup sont des fonctionnaires. Sandra, amie de Jérôme à Ua Pou, nous montre les commerces disséminés aux quatre coins du village. Elle et son mari Bernard ont décidé de poser leur sac à terre après 8 ans de navigation sur un Lagoon 39. Ils ont acheté un bout de terrain sur les hauteurs avec une vue splendide sur la baie. Ils ont construit de leurs mains un faré haut de gamme de très bon goût, première pièce de leur futur lodge.
Cela leur donne du temps pour construire leur maison, également tout seuls. Quel courage, chapeau ! Si vous passez à Taiohae, surtout ne ratez pas leur lodge (http://tiamaraa-lodge.mozello.fr)
Le chemin qui part du fond de leur jardin est célèbre : il a été emprunté par Melville en 1842, pour déserter son baleinier et se réfugier à Taipivai (son roman Taïpi, en partie autobiographique, relate cette aventure), va pour l’explorer le lendemain. Au départ, on est rejoints par un jeune chasseur marquisien qui s’autoproclame notre guide. Il joue de son physique, à l’origine de son surnom, Aquaman, héro américain d’un blockbuster célèbre (pour ceux qui connaissent) joué par un acteur nommé Jason Momoa, à la ressemblance saisissante.
Il nous raconte les anecdotes et les légendes des terres de ses ancêtres que nous traversons.
La discussion avec lui est intéressante, en particulier il essaie de conserver un mode de vie et d’alimentation naturelle, contrairement aux ados marquisiens, le nez vissé sur leurs smartphones en mangeant de la malbouffe. Après nous avoir fait grimper sur toutes les crêtes et admirer le paysage, il nous demande de continuer la descente sans lui. 20 minutes après, il appelle Michel d’une voix tonitruante et arrive avec un bouc de 15 kg vivant sur les épaules, qu’il a capturé à mains nues en plongeant sur le troupeau dans un trou!
Il a fait sensation en arrivant chez Sandra et Bernard, mais pour lui, ce n’est que la façon de se nourrir.
On décide de louer un 4X4 pour visiter l’intérieur de l’île.
La route grimpe au dessus de Taiohae jusqu’au bord de la première caldeira, puis continue vers l’est jusqu’au village de Taipivaï, bourgade tranquille qui s’ouvre sur l’une des anses de la baie du Contrôleur, où on avait mouillé en 2019, où nous prenons le temps de papoter avec cette habitante, très fière de sa maison en bambou, qui nous dit avoir une résidence secondaire non loin, au bord de la plage d’Hooumi.
On pousse jusqu’à Hooumi, dernière petite anse de la baie. La route remonte vers le nord pour rejoindre Hatiheu, surplombé d’aiguilles rocheuses. On a juste de temps de laisser notre voiture pour emprunter à pied le chemin qui dessert le village d’Anaho, au bord de la grande baie bordée de sable visitée en 2019.
Le beau hameau d’Anaho comprend quelques maisons au milieu d’arbres surchargés de fruits qu’on ne ramasse pas tels ces combawas qui se vendent à prix d’or chez nous.
On remonte 4 à 4 le col qui nous sépare d’Hatiheu en direction du restaurant d’Yvonne qui nous avait si bien accueillis il y a deux ans. Cette femme de caractère, maintenant âgée de plus de 80 ans, continue d’assurer son mandat de maire adjointe. Elle nous explique que la situation sanitaire liée à la pandémie a freiné les projets de développement de sa commune et de son établissement, mais n’ont pas empêché le pays de refaire la route du front de mer, décorée de croix marquisiennes comme elle l’avait exigé.
La route longe la côte nord, découpée de criques dans un paysage magnifique jusqu’aux pics d’Aakapa, au dessus du village du même nom.
Puis la route se transforme en une piste caillouteuse défoncée et raide où notre Hilux Toyota fait comprendre son succès. Il nous faudra plus de 3 heures pour rejoindre la route de l’aéroport, tout au nord-ouest de l’île. Le paysage est devenu aride au fur et à mesure qu’on pénétrait dans la région des « Terres Désertes ».
Un incendie ravage les crêtes et le sous-bois de pins. Il n’y a malheureusement pas de moyen sur l’île pour stopper cet incendie.
Jeudi randonnée sur le plateau de Tovii : entre les deux caldeiras se trouve un haut-plateau qui a été planté de pins dans les années 80. Là encore l’exploitation n’a pas suivi, laissant l’enchevêtrement des pins non éclaircis prendre le dessus… Le sentier est bien balisé, avec des petits ponts pour traverser les ruisseaux au milieu des fougères.
Mais ils sont asséchés par la forêt de pins. Après deux heures de marche, on atteint le bord du plateau : la falaise surplombe de 800 mètres de haut les pics d’Aakapa et plus loin les pics d’Hatiheu, et la presqu’île au relief déchiqueté.
Il est temps maintenant de lever l’ancre pour visiter les mouillages de la côte sud qu’on n’avait pas eu le temps de voir en 2019.
A cinq mille à l’ouest s’ouvre la baie d’Hakatea. Le village d’Hakaui est construit au fond de la première baie; le long de la rivière qui descend de la vallée des rois, surplombé à l’ouest par une falaise impressionnante.
Cette vallée encaissée n’est accessible que par la mer. On mouille à l’est dans une jolie anse secondaire, complètement protégée de la houle. Au fond une plage de sable doré et quelques cocotiers. De part et d’autre, des collines. L’anse est refermée et on ne voit plus la mer. C’est le terrain de jeu d’une colonie de frégates.
On rejoint le village d’Hakaui par un sentier côtier, avant de s’engager dans la vallée. Propriété de 4 familles qui y vivent, il faut réserver la visite avec un guide ou payer une somme à l’association qui entretient le site. Le guide arrive en bateau de Taiohae avec une dizaine de touristes. La balade est très facile et emprunte une ancienne allée royale pavée. Mais les vues sur la cascade sont décevantes, d’une part parce que la végétation est très dense et d’autre part parce que la cascade (soit-disant la 3ème plus haute chute du monde) est presque asséchée.
Le plus étonnant, ce sont des grottes à flanc de falaise, où on aperçoit les sarcophages des rois placés au bord, sur des pirogues, avant que l’accès ne soit détruit pour rendre le lieu inaccessible aux tribus rivales.
Mahi, notre guide, issu de la vallée mais habitant désormais à Taiohae pour disposer d’internet pour son métier, est très intéressant, avec plein d’anecdotes personnelles. Il nous apprend à faire des lampions avec des graines de bancoulier.
Au retour déjeuner chez Teiki et Kua, couple qui prépare, à la demande, un excellent repas, uniquement avec les produits de leur propriété et le poisson de leur pêche. On reste un moment à discuter avec eux et ils nous parlent de leur mode de vie, des difficultés de voisinage, de leurs projets. On leur passe une grosse commande de fruits et légumes, livrée à bord, où ils nous rejoignent pour le petit déjeuner, avant de filer sur leur speedboat, seul lien avec le monde extérieur.
Dans la baie on fait la connaissance de l’équipage d’un catamaran américain hi-tech (un HH50) qui prend son mal en patience en attendant la réparation de leur guindeau… (tiens, même marque que le nôtre défaillant). Ils ont des tas de jouets : planche de surf, kayak, wake à foil. Le contraste est saisissant avec le mode de vie des gens de la vallée. John est un ami d’enfance de Philippe Oulhen, ancien dirigeant de la voilerie North de Vannes que nous avons bien connu, le monde est petit !
Dernier mouillage tout à l’est dans la baie du Contrôleur : la baie d’Hooumi, sauvage, abritée des vents dominants par une crête rocheuse. Le village est très agréable, s’étirant le long du ruisseau.
Nous trouvons le mouillage meilleur qu’à Taipivai. L’abri de la mer est parfait, mais les rafales descendent fort de la montagne, comme presque partout aux Marquises.
Ces quelques jours à Nuku Hiva nous ont fait découvrir une île très diverse en paysages sauvages, une « capitale » plus vivante qu’au premier abord, et des gens cherchant le contact, plus qu’à Hiva Oa.
Fatu Hiva
Notre séjour aux Marquises se termine et on boucle la boucle en revenant à Hanavave deux ans après notre arrivée de la transpacifique en juin 2019.
Malgré tous les beaux paysages qu’on a vus, le mouillage dans la baie des Vierges devant le village d’Hanavave reste unique. L’effet COVID est là, nous ne sommes que 2 bateaux à profiter du spectacle.
On y retrouve Lionel au mouillage et sa famille de cœur Témo, le sculpteur, et sa femme Karine. Temo nous a sculpté une magnifique planche à raper le coco, ustensile indispensable pour notre prochaine destination, les Tuamotu. Après le ramassage, sur les terres de Karine, de quelques dizaines de kg de fruits à livrer aux copains de Lionel à Fakarava, nous sommes invités à déguster le thazar pêché par Temo.
Lionel nous initie au fonctionnement de la machine à laver manuelle de Temo, qui nécessite un certain savoir faire.
Beaucoup d’émotion de les quitter et de laisser dernière nous cet archipel, aux reliefs spectaculaires et sauvages, et tous ceux à qui on s’est attachés. En route pour l’archipel des Tuamotu.
Marchand Jean-Louis
Reportage de qualité
Vous ne vieillissez pas
Votre bateau semble bien adapté au programme que vous vous êtes fixé.
Ici l’hiver arrive aussi j’ai mis à terre mon bateau jusqu’à l’été prochain
Amitiés
Jean Louis
Claire GUIHARD
Que de péripéties techniques à rebondissements mais que de belles rencontres et de belles photos dans cette aventure marquisienne. Merci à vous.
DEMANGEON
Bonjour les amis
En lisant votre post sur les pannes, on se rappelle « les grands Caimans » où on s est rencontré
Magnifique récit sur les Marquises
C est une mine de renseignements pour nous
On a vraiment hâte d y être
Nous sommes heureux que vous puissiez enfin naviguer à votre guise
Amitiés
Anita et Alain
MAKANI II
jean pierre Roux-Levrat
Magnifique récompense après la galère des pannes à répétition avant la remise à l’eau de Spica. Et puis aussi très intéressant documentaire sur les Marquises . Bon vent