Changement d’ambiance à Tubuai où nous ne restons que 2 jours en raison des contraintes de vols.
Arrivés le soir à la pension Wipalodge, chaudement recommandée par des amis pour son accueil, nous déchantons. Certes les bungalows sont confortables et en très bon état. Mais les propriétaires sont absents, et leurs remplaçants quelque peu austères et rigides. On comprend vite que les mormons ont pris le pouvoir dans l’île, et font la loi : horaires stricts, prière au repas, une petite bière? vous n’y pensez pas! Quant à l’état des vélos en location, ce sont des tas de rouille. Pour optimiser ces 2 jours nous réservons plusieurs activités avec des prestataires.
Le premier jour, nous partons à la découverte du lagon avec Huri, en compagnie des autres clients très sympathiques de la pension. Nous embarquons sur son poti, barque pointue surmotorisée dont la barre est tout à l’avant, sous forme de manche à balai, pour suivre et harponner les poissons du large, notamment les mahis. Pas de pêche aujourd’hui mais Huri slalome entre les patates de corail à toute vitesse, en les frôlant.
On a la chance d’avoir une journée ensoleillée avec un calme plat. L’eau est complètement transparente, donnant une vision sous-marine des coraux.
Ils sont d’ailleurs beaucoup plus beaux qu’aux Iles de la Société : moins d’activité humaine, température plus fraiche, environ 24°.
Nous débarquons au Motu aux Oiseaux.
L’île abrite une colonie de sternes endémiques, les gygis, peu sauvages, qui pondent directement sur les branches sans faire de nid.
Un peu plus loin, Huri pêche des bénitiers que l’on consommera crus en salade.
Nous rejoignons sa femme sur leur motu où ils ont aménagé un fare. Elle a préparé un délicieux déjeuner de cuisine polynésienne. L’après-midi : balade, farniente, baignade, et tour du motu très sauvage, sous un ciel menaçant.
On termine la visite du lagon en passant à côté d’un curieux motu fait de blocs de basalte, puis du motu Sable, entièrement dévasté par le cyclone Oli en 2010.
Le deuxième jour, nous partons de bonne heure avec les 2 seuls vélos de la pension en état de rouler, et encore…. On se rapproche du départ de la randonnée qui part du plateau pour mener au sommet du mont Taitaa.
On longe les plantations de litchis, qui ont très peu donné cette année.
Puis on entre dans une belle forêt de pinus avant de rejoindre la crête.
Le ciel est couvert et on joue à cache-cache avec les nuages pour apercevoir le paysage.
On termine par une petite escalade de gros rochers avec une belle vue sur le lagon.
La route de ceinture longe de belles plages de sable fin bordées de rangées d’aitos, puis Bloody Bay qui a retrouvé son calme (voir l’histoire de la Bounty plus bas).
Le centre de l’île est occupé par des maraichages. Grâce à son climat tempéré et sa terre fertile, Tubuai ravitaille le reste de la Polynésie en fruits et légumes. A la saison des litchis, des rangées de siège des avions sont remplacées par des sacs géants pleins à ras-bord. Après des années de tolérance, la fauche était devenue telle qu’il a fallu sécuriser l’ouverture des sacs!
Après-midi culturelle avec Jacques, instituteur à la retraite reconverti en guide.
Il est la mémoire vivante de l’île. Il tient de son père les histoires et les légendes qu’il partage. Nous apprenons que l’île a été recouverte par un tsunami en 1100. Seule la partie élevée a été épargnée. D’où l’explication d’une clé topographique qui nous avait échappé : outre la route de ceinture qui longe le lagon, une deuxième (en fait aujourd’hui un chemin) passe au ras de la montagne, et abrite de nombreux hameaux créés par les rares survivants après le tsunami, et la plupart des marae les plus importants. Il nous fait découvrir quelques spécimens cachés dans la végétation, rescapés des mille marae que la tradition orale rapporte. Chaque marae avait une fonction différente : celui des guetteurs, de l’accueil des étrangers, des naissances avec des pierres dressées… Dans le marae des messagers, il nous montre une pierre en forme de pirogue, que son père aurait vu voler!!! Alors là, on est plus sceptique…
Viennent des histoires de sorcières et d’ogresses mangeuses d’enfants, et l’histoire des mutins de la Bounty.
La Bounty
Ce navire cargo avait été affrété spécialement pour transporter des plants d’arbres à pain de Tahiti (où ils poussaient en abondance) aux Caraïbes, pour nourrir les esclaves des plantations de canne à sucre.
Après le départ d’Angleterre en 1788, le voyage vers Tahiti est plus long et plus éprouvant que prévu. La Bounty est sous le commandement du capitaine Bligh. Comme tous les capitaines à cette époque, il a droit de vie et de mort sur son équipage. Mais il exerce, en plus, son commandement avec sévérité, cruauté, tortures et injustice. A la suite de nombreux châtiments corporels mortels, l’équipage se mutine et Fletcher Christian, son second, proche des matelots, prend le commandement. Il abandonne Bligh et 18 hommes qui lui sont restés fidèles, dans une chaloupe aux larges des îles Tonga le 28 avril 1789 (prélude à une incroyable navigation qui le ramène à Londres).
Christian, persuadé que la Marine britannique rechercherait la Bounty et le passerait en cours martiale, met cap sur Tubuai dans l’intention de se cacher. Cette île a été cartographiée par Cook et sa passe était connue. Il mouille dans une baie abritée, mais rapidement les altercations se multiplient avec les insulaires. L’affrontement tourne au carnage, dans la baie baptisée Bloody Bay (la Baie Sanglante). Christian reste persuadé que l’établissement à Tubuai est possible et fait un aller-retour à Tahiti (!) pour rapporter les hommes et le matériel nécessaires. Mais à la suite de rivalités entre les différentes chefferies de l’île, les heurts deviennent incessants. Un fort , Fort George, est construit sur le rivage, dans lequel ils se réfugient pendant 2 mois. Voyant que l’hostilité des insulaires se poursuit, Christian ordonne le retour à Tahiti.
On connaît la suite de l’histoire avec cette fuite dans le Pacifique à la recherche d’une terre inconnue, qui sera Pitcairn, mal cartographiée et en dehors des routes maritimes. Le cinéma s’est emparé de l’histoire à plusieurs reprises, avec deux chefs d’oeuvre : la version de 1935 avec Clark Gable et Charles Laughton, et celle de 62 où Marlon Brando crève l’écran.
Il ne reste rien sur Tubuai de cette histoire tragique, une palissade et un fare ont juste été construits en 2018 sur l’emplacement de Fort George.
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