Tahuata
Cette petite île, séparée d’Hiva Oa par le canal du Bordelais, est un concentré de Marquises.
En venant de Fatu Hiva, la mer se calme une fois passé le cap Tehopeotekeho (premier lieu-dit à nous poser un problème de mémorisation, ce ne sera pas le dernier).
Il se prolonge par une longue crête qui culmine à plus de 500 m, au sommet d’une immense falaise qui plonge dans le Pacifique, avec quelques baies particulièrement inhospitalières.
A la tombée du jour, nous approchons du petit village d’Hapatoni. Nous résistons à la tentation de mouiller devant le village. Bien que repéré sur les cartes, ce mouillage est truffé de patates de corail, nous le verrons le lendemain. Nous mouillons au pied de la falaise dans la zone nord de la baie, parfaitement protégée de la houle, en compagnie de quelques bateaux. Ce mouillage est magique. La baie est partagée en deux par un éperon rocheux.
Au sud, au bout de la plage, c’est le minuscule port d’Hapatoni, qui sert de point de débarquement des barges des bateaux de servitude.
La meilleure zone de mouillage est au nord.
Les fonds tombent très vite, on ne mouille qu’à quelques longueurs de bateau du bord, sous une cocoteraie presque verticale.
On rejoint le village en annexe, qu’on laisse à l’abri d’une petite digue le long d’un quai aménagé pour recevoir les passagers de l’Aranui.
La voie de la reine Vaekehu, belle allée bordée d’arbres très anciens (des tamanu), conduit au centre du village, quelques maisons construites autour de l’église.
Les habitants sont particulièrement accueillants : on discute avec Léone, qui nous explique tout sur la culture du noni. C’est un fruit qui pousse sur de petits arbres (Morinda jasminoides). La récolte est mise à fermenter, d’abord à plat sous des bâches, puis dans des futs qui sont expédiés en Australie ou aux Etats Unis.
Le noni a des propriétés anti-oxydantes et renforcerait l’immunité… On en tire des jus, des cosmétiques et des médicaments. On a sûrement consommé du noni sans le savoir! Devant sa maison Léone a un magnifique arbre à pain.
A l’aide d’une perche munie d’un petit filet, elle nous cueille un fruit, le mei en marquisien, l’uru en polynésien, dont on fera une purée délicieuse.
Il rejoindra notre récolte impressionnante de pamplemousses de Fatu Hiva!
Outre le noni, comme dans les autre îles le coprah est une source de revenus importante.
Hapatoni est aussi célèbre pour ses sculpteurs et sculpteuses. Leur spécialité, très différente de Fatu Hiva, c’est le travail de l’os et des rostres d’espadon, pour faire des bijoux ou des objets décoratifs. On s’arrête chez un sculpteur qui revient de la chasse au cochon sauvage. C’est sa femme qui nous expose ses réalisations et nous avons du mal à choisir entre les pendentifs en forme de tiki, de queues de baleine, les boucles d’oreille et autres objets.
Dans la baie suivante, nous rejoignons le mouillage de la capitale de l’ile, Vaitahu, beaucoup moins protégé. Vaitahu s’enorgueillit de son église, Sainte Marie de l’Enfant Jésus, Elle a été financée par le Vatican pour la commémoration de l’arrivée des missionnaires sur l’île,150 ans auparavant (et se faire pardonner de leur comportement? On en doute…). Elle a été construite avec des bois locaux et les galets des ballasts des bateaux de commerce du XIXème siècle. Le résultat est très élégant.
La culture marquisienne est intégrée aux symboles de l’église catholique : tikis à l’entrée, vierge au visage marquisien tenant dans les mains un mei (fruit de l’arbre à pain) et croix marquisiennes peintes sur les murs.
A côté de la mairie, une stèle commémore la première rencontre entre l’amiral Dupetit-Thouars et le chef local en 1838. L’histoire ultérieure sera tragique pour le peuple marquisien et sa culture, sous la férule des missionnaires.
Plus au nord, le paysage se transforme, et on trouve les rares plages de sable blanc des Marquises.
Le mouillage de la la grande baie d’Hanamoenoa, plage de sable blanc et cocoteraie, est un peu moins protégé, mais sa proximité d’Hiva Oa le rend plus fréquenté. Enfin, c’est relatif, comme partout aux Marquises…
Hiva Oa
Brel et Gauguin ne s’étaient pas trompés : Hiva Oa est une île authentique.
C’est la plus grande île du groupe du sud de l’archipel des Marquises. Pour tous les navigateurs venant de l’est, c’est le port d’entrée pour les formalités des douanes et de l’immigration, même s’il existe une grande tolérance pour les bateaux qui font escale en premier à Fatu Hiva.
A l’arrivée, nous croisons l’Aranui, qui vient de faire escale à Atuona.
L’Aranui rythme le vie de la Polynésie. Sur un cycle mensuel, il visite toutes les îles pour livrer le frêt. Cet étrange navire est un cargo sur lequel ont été construites des cabines de paquebot luxueuses. Pour une somme assez rondelette, on peut ainsi embarquer dans un grand confort, et faire tout ou partie de la tournée des îles, des Australes aux Marquises, et des Gambier aux Iles de la Société. C’est sûrement une façon très agréable de découvrir la Polynésie quand on ne fait pas de bateau, même si les escales dans chaque île se limitent à quelques heures.
La version actuelle, l’Aranui 5, est le successeur d’une lignée historique de cargos. Ce n’est que le quatrième du nom, le numéro 4 n’ayant jamais été attribué par la compagnie chinoise qui l’exploite, le 4 portant malheur dans la tradition chinoise.
Il est doublé du Taporo, aux mains d’une compagnie concurrente qui fait à peu près le même trajet à quelques jours d’intervalle.
Le village principal, Atuona est au fond d’une grande baie au sud-est de l’île, au pied d’un grand cirque luxuriant, au bord d’une plage de galets noirs battus par la houle d’est.
Depuis Atuona, on peut voir la carrière dans laquelle Vincent Roche a installé le chantier Maintenance Marquises Services, où Spica nous attendra durant l’été austral. C’est le seul chantier de Polynésie où l’on peut stocker un bateau à sec en dehors du cœur de la zone cyclonique.
Le mouillage se niche à l’est d’un éperon rocheux, débordé par le Motu Anakee, dans une petite anse protégée par une digue, la baie Tahauku.
Le mouillage est tellement encombré qu’il faut mouiller une ancre arrière, et encore il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour ne pas emmêler les chaines! Notre première visite est pour le chantier Marquises Maintenance Service où on a prévu de laisser Spica. Il n’y a aucune structure à terre pour les équipages mais, depuis quelques années, Sandra a créé une entreprise de services qu’elle a installée sur un belvédère au dessus du mouillage : tous les matins elle propose une connexion internet gratuite, lessive, réservation de voiture, et les équipages discutent sous le belvédère autour d’un café qu’elle offre.
Le village d’Atuona est à ½ heure à pied et il ne faut pas rater, le soir même de notre arrivée, le spectacle de danse du Heiva, qui oppose 2 groupes dont le vainqueur représentera l’île au festival de décembre. Les décors et les costumes sont fabriqués en fibres naturelles.
Il se dégage une ambiance de ferveur soutenue par tous les spectateurs. A l’entracte on se restaure aux “baraques”, cabanes montées pour le mois de juillet, pendant les vacances scolaires. La musique marquisienne est partout, avec toujours cette étrange sensation d’atonalité.
Le lendemain on effectue les formalités d’entrée à la gendarmerie du bourg, avec un officier très sympathique, détaché de la région Rhône-Alpes.
Visite au cimetière; où les tombes de Gauguin et Brel sont à quelques mètres l’une de l’autre.
On croise Tania, propriétaire d’un gîte et personnalité de l’île, qui cueille des fleurs de frangipanier pour faire les colliers de bienvenue. Elle nous raconte des tas d’anecdotes sur l’île.
Belle plongée sous-marine pour les filles avec Marquises Diving, club de plongée créé l’année dernière par un marquisien qui organise des sorties à la journée ou demi-journée (18000 XPF), avec un matériel tout neuf. La plongée sur le rocher isolé dans l’entrée de la baie d’Atuona est superbe malgré une visibilité faible. Les eaux sont très poissonneuses, avec de nombreuses raies mantas qui surgissent, majestueuses. Un plafond de langoustes tapies dans une grotte aurait ravi les pêcheurs.
Atuona est un bourg actif avec plusieurs petits commerces et l’on trouve des fruits et légumes, du pain (enfin!) mais pas de viande ni de poisson frais. Il faut voir les petits musées qui rassemblent les souvenirs de Brel et Gauguin et l’avion de Brel, Jojo, avec lequel il faisait des évacuations sanitaires sur Papeete.
Pour visiter l’île on a réservé un 4X4, car la seule route de l’île finit rapidement en chemin de terre, un peu scabreux au bord du vide. Après avoir rejoint la côte nord, la route longe la côte nord-est avec des points de vue spectaculaires sur les baies et les petites plages où se nichent quelques villages loin de tout.
Au bout le village de Puamau, un écrin de végétation luxuriante donne accès au site archéologique de Lipona, d’une grande valeur historique. Les vestiges ont été dégagés il y a une vingtaine d’années : sur deux grandes terrasses (les meae), des tikis se dressent, dont le plus grand de Polynésie, le Takaii, en pierre rouge, de 2,67 mètres.
Cet ensemble exceptionnel avait été endommagé par les missionnaires. Il a été restauré pour le festival des arts marquisiens de 1991. Depuis, contrairement à d’autres, le site est bien entretenu.
Au retour, arrêt obligé chez Marie-Antoinette qui tient le seul restaurant du village et où on déguste une délicieuse cuisine marquisienne authentique : sauté de cabri, poulet coco, …
On termine cette visite d’Hiva Oa, par le petit village de Taaoa situé au sud-ouest, tout au bout de la grande baie d’Atuona. Là aussi un très grand site archéologique a été dégagé en 2015 pour l’édition du Festival des îles Marquises. Malheureusement le site n’a pas été entretenu et la végétation a presqu’entièrement tout recouvert.
En quittant Tahuata, on traverse le canal du Bordelais par vent de travers, sous un soleil magnifique.
On longe le cap Kiukiu, pointe déchiquetée de roche volcanique rouge. On passe devant la double baie d’Hanamenu, partagée par l’imposant rocher de la Grosse Tour.
Le vent ayant une composante nord, la baie est battue par les vagues et le mouillage n’est pas tenable. La côte nord-est est totalement inhospitalière, avec des falaises découpées, entrecoupées de vallons verdoyants.
On poursuit jusqu’à l’anse d’Hanaiapa, précédée par une magnifique cascade qui plonge directement dans la mer.
Cette anse bordée de falaises rouges est annoncée par un impressionnant rocher tout noir.
Nous sommes tout seuls dans ce mouillage exceptionnel, au débouché d’une vallée rectiligne, parfaitement abrité de la houle.
Le village est bordé d’une plage de sable noir et de galets avec des barques à balanciers. On amarre l’annexe à un quai glissant rendant l’accès à terre un peu scabreux si la houle s’en mêle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le village s’étire le long de la route dans une cocoteraie qui n’en finit pas. Le seul restaurant du village, assez réputé, est fermé et il n’y a pas beaucoup d’animation. (Nous y reviendrons de terre à la fin de notre séjour, sans pouvoir y dîner, faute de réservation par une affluence considérable!).
Ce n’est peut-être pas plus mal de profiter ce ce cadre inouï au coucher du soleil.
anne favier
ça y est ,me voici reconnectée à votre périple et la vie en générale!
Que c’est BOOOOOO
Bonne année
Biz
A bientôt
LHOSTIS Patrick
Bonjour,
Nous vous suivons avec grand intérêt depuis le début.
Nous avons le même bateau Outremer 45 # 24 depuis Mai 2017.
Nous naviguons en Méditerranée et traverserons l’an prochain (2021) vers les Caraîbes.
Nous envisageons de “remonter” comme vous la cote Est des Etats Unis, deux questions :
– Comment avez-vous résolu le problème d’Assurance pour les USA ?
– Pouvez-vous nous conseiller un ou deux sites pour l’hivernage du bateau (Oct – Avril)
Merci
Bonne route et bravo pour votre site
Keridwen II
Spica
Bonjour,
merci pour votre message et votre intérêt pour notre blog. Pour la côte est US, je vous réponds par mail privé.
Cordialement.
Crepel Nicole
Bonjour Christine et Michel
J’ai bien reçu le message comme quoi je n’étais plus connectée avec votre site….Je ne sais pas si vous avez eu ma réponse et mes vœux….
En tout cas , j’ai pu suivre avec toujours autant de plaisir votre périple , et la dernière publication date du 24 décembre ….Philippe a l’air de dire qu’il me manque la suite !
Ou êtes vous ? Ai- je manqué votre arrivée aux Tuamotu ?
Dans mon mail, je e vous demandais si vous rentriez un moment en France cet hiver ?
Bises et à bientôt peut être .
PS: dites moi s’il me manque des publications ?