Christophe Colomb et la découverte du nouveau monde

Petite digression historique sans prétention pour faire patienter en attendant les prochains articles de navigation, par Christine.

Partout où nous avons navigué aux Bahamas et sans les Caraïbes, la figure de Christophe Colomb est présente. La découverte de San Salvador le 12 Octobre 1492 va bouleverser le monde à venir. Alors je me suis plongée dans l’histoire passionnante de la découverte du Nouveau Monde et son contexte géopolitique.

Henri le Navigateur et la suprématie portugaise

Pour situer l’exploit de Christophe Colomb dans le contexte de l’époque, il faut revenir un siècle en arrière, à Henri le Navigateur, né en 1393, Infant du Portugal, frère du roi Jean Ier. Très jeune, le prince Henri est fasciné par les richesses d’Orient, aperçues à Ceuta, ville reprise aux Maures. Il s’installe en Algarve et fait venir les meilleurs cartographes, astronomes et autres scientifiques. Lagos devient un centre de construction navale où sont optimisées les caravelles. Les motivations de l’Infant sont doubles : accéder aux richesses de l’Asie et évangéliser les infidèles. Alors que les Castillans sont  aux prises avec le royaume maure de Grenade, le Portugal a les coudées franches pour explorer la côte africaine. Depuis que Marco Polo a révélé les richesses de l’Orient dans son livre, « le Devisement du Monde », paru en 1298, tous les regards des rois se tournent vers l’Asie. Marco Polo a suggéré l’existence du Japon, appelé Cipango, d’où reviennent des marchands témoignant d’une civilisation raffinée. Depuis, les puissances européennes cherchent à atteindre l’Asie en évitant les intermédiaires arabes. Deux routes sont alors possibles. Par voie de terre la route de la soie est connue, mais elle est longue et dangereuse. La seconde voie est maritime, en contournant l’Afrique par le sud, mais la pointe de l’Afrique reste encore à découvrir. Ce sera l’objectif d’Henri le Navigateur qui n’a jamais mis les pieds sur un bateau! Il finance les explorations successives le long de la côte africaine pendant plus d’un demi-siècle. Son œuvre est poursuivie par les rois successifs du Portugal. Une première caravelle atteint le Cap Bojador, cap de la peur, en 1434 et surtout en revient, ce qui encourage les explorations suivantes. Mais il faut attendre 1488 pour que Bartolomeu Dias découvre la pointe sud de l’Afrique en doublant le Cap des Aiguilles. La route des Indes est désormais ouverte vers l’est en contournant l’Afrique par le sud.

Colomb bâtissant son destin

Revenons à Christophe Colomb : qui est cet homme d’une quarantaine d’années, au moment où les Portugais viennent d’ouvrir la voie de l’Asie par l’est en 1488?

Il est né à Gênes en octobre 1451, premier fils d’un cardeur de laine.  Il a très tôt le goût de la lecture, ce qui explique ses connaissances plus fournies que son éducation ne le laisse supposer. Il apprend le métier de son père mais, à 20 ans, trouve cette voie trop étroite et devient marchand, comme de nombreux génois à cette époque. Il navigue en Méditerranée et s’intéresse déjà à la cartographie. Il entre au service des Centurioni qui gèrent l’une des compagnies marchandes et bancaires qui comptent à Gênes et commerce avec l’Orient et l’Occident. Il navigue en Atlantique, en Baltique et jusqu’en Islande, où il entend parler d’une île plus à l’ouest.

Portrait de Colomb par Ridolfo del Ghirlandaio

En 1479, il s’installe à Lisbonne d’où partent les expéditions pour l’Afrique. Il épouse une jeune portugaise, Felipa, fille de l’administrateur de l’île de Porto Santo, au large de Madère. C’est à Porto Santo que nait son fils Diego. Il navigue désormais sur la côte guinéenne, les îles atlantiques des Açores et du Cap Vert. Il observe les trafics africains et commence à se faire une idée des vents et des courants. De retour à Lisbonne, il se fait libraire avec son frère pour gagner sa vie. Il s’imprègne des philosophes grecs et des savants contemporains et annote ses lectures. Il s’intéresse en particulier à Pierre d’Ailly, théologien, astrologue et vulgarisateur scientifique très influent, qui publie, en 1410, l’Imago Mundi dans lequel il insiste sur l’étroitesse de l’océan atlantique. Colomb commence à former à cette époque un projet de rejoindre les Indes par l’ouest. Il n’est d’ailleurs pas le seul à formuler cette hypothèse. Des légendes courent sur l’existence d’îles à l’ouest, comme Antilia, hypothétique île des “Sept-cités” où se trouverait du sable plein d’or. Alors Colomb espère, au delà de ces îles, rejoindre Cipangu (le Japon) au large de Cathay (la Chine). Il écoute aussi les rumeurs du port : des navigateurs auraient ramené des bois flottés ouvragés venant de l’ouest. On rapporte aussi que le pilote Alonso Sanchez aurait trouvé Haïti en revenant des Canaries et aurait légué son secret à Colomb en mourant dans ses bras. Fake news? En tout cas les esprits s’échauffent et Colomb acquiert la certitude que ces îles existent et sont accessibles par l’ouest. Son intuition se mue en ambition. Mais il lui faut de l’argent pour monter une expédition.

En 1485, alors que les marins portugais poursuivent la découverte de la côte africaine vers le sud,  Colomb fait au roi du Portugal Jean II une proposition alternative, en partant vers l’ouest. Jean II prend l’avis d’un conseil de sages : ils argumentent que Colomb, autodidacte, sous-estime la distance qui sépare l’Occident de Cipangu, en méprisant les calculs de Ptolémée. L’aventure paraît trop osée par rapport à celle de l’est. De plus,Colomb agace par son aplomb et ses prétentions. Jean II l’éconduit.

Colomb est désœuvré, sa femme vient de mourir. Il revient en Espagne, confie son fils au monastère de la Rabida à côté de Palos. Il s’établit à Séville et renoue avec les italiens, génois et florentins, dont Amerigo Vespucci, directeur de la filiale des Médicis à Séville, qui lui restera fidèle et poursuivra son oeuvre. Il obtient une entrevue auprès des rois catholiques Isabelle et Ferdinand. Bien qu’intéressés par la proposition, les rois sont encore en guerre avec les Maures installés à Grenade et ne peuvent financer une telle opération. Ils allouent cependant une petite rente à Colomb qui lui permet de vivre. Colomb s’accroche à la cour d’Espagne et tisse des liens. Il prend pour maitresse la sœur d’un capitaine de Biscaye, Beatriz, qui lui donne un fils Fernando. Pendant ce temps les rois prennent l’avis d’un collège des sages, qui donne le même avis défavorable sur le projet de Colomb, en particulier sur la sous-estimation de la distance à parcourir.

Colomb revient à Lisbonne quand Dias vient de trouver le passage vers l’est. Il y retrouve son frère et tous deux vont solliciter les rois de France et d’Angleterre, sans résultat.

Colomb est désespéré. Il rentre à Palos voir son fils et se faire réconforter par les prêtres du couvent de la Rabida. C’est là que la chance tourne : le père Juan Perez, théologien et cosmographe estimé à la cour, et ancien confesseur de la reine Isabelle, croit au projet de Colomb et écrit à Isabelle en sa faveur. A Palos, Colomb se lie avec un armateur Martin Alonso Pinzon.

En 1491 Isabelle la Catholique convoque une nouvelle fois Colomb et soumet son projet à un collège de savants, qui se prononcent une nouvelle fois contre. Mais Colomb intéresse les grands de la cour. Les rois catholiques remportent en janvier 1492 le siège de Grenade et mettent fin à 8 siècles de présence musulmane sur le sol ibérique. Ils s’exposent à des représailles sur Jérusalem, ce qui ravive l’esprit de Croisade. Colomb, saisissant cette opportunité, change d’orientation : son expédition sera celle de la foi! Il se sent investi d’une mission évangéliste aux Indes.

La chance tourne. Préparation du voyage

1492

En mars 1492,  une troisième réunion est organisée à Santa Fé, à côté de Grenade. Mais Colomb ne se voit pas simple découvreur, mais veut richesse et pouvoir. Il impose ses conditions par un contrat appelé les « Capitulations de Santa Fé » (c’est à dire les clauses) qui lui confèrent des droits et privilèges. Colomb est anobli, Don Cristobal, en hispanisant au passage son prénom. Il est nommé Vice-Amiral de la mer Océane. Il sera propriétaire à vie de 10 % de toutes les îles et terres fermes qu’il découvrira et des richesses qu’il rapportera. Il est reconnu Vice-Roi et gouverneur des terres découvertes. C’est comme si il partait auréolé d’une gloire certaine et pour l’instant, ça ne coûte rien aux rois catholiques !

Dès lors c’est une course contre la montre qui commence. Le financement est assuré par le grand Chambellan et les hommes d’affaires génois et florentins. C’est à Palos que se monte l’expédition où Martin Alonzo Pinzon est armateur. Rapidement, il trouve deux caravelles, La Pinta, qu’il se réserve et la Nina, qui sera commandée par son frère. Ce type de bateau a déjà fait ses preuves sur la côte africaine, par sa maniabilité et son faible tirant d’eau. Il manque une troisième caravelle et ils trouvent dans le port une nef de transport venue de Galice, que Colomb rebaptise la Santa Maria et dont il fera le vaisseau amiral du fait de sa plus grande taille. Les frères Pinzon sont chargés de recruter les équipages, dont l’avidité pour l’or l’emporte sur leurs qualités de marins. Fin juillet les effectifs sont au complet. Le commandement est assuré sur chaque navire par un triumvirat : le capitaine, le second et le pilote, dont les trois frères Pinzon. Outre les personnels habituels, Colomb embarque notamment un contrôleur général pour la prise de possession des terres à découvrir et un interprète.

Voilà pour le matériel et les hommes mais de quels moyens de navigation dispose Colomb pour faire le point ? La latitude est mesurée par les relevés de hauteur astrale grâce à l’astrolabe, mais c’est un instrument lourd et difficile à manier sur le pont d’un bateau. Et il n’est pas rare qu’on se trompe d’étoile ou que la mesure soit fausse du fait des mouvements du bateau. De plus il ne dispose pas de l’heure exacte à la seconde. Les tables de calcul sont compliquées à manier pour un non mathématicien. D’où les erreurs fréquentes des capitaines dans l’estimation de la latitude. La mesure de la longitude n’est pas encore possible et la distance est estimée en lieues sur le parallèle, mais cartographes et navigateurs ne sont pas d’accord sur la mesure. Par contre le nord magnétique est donné par la boussole sur pivot connue depuis un siècle. La declinaison magnétique est déjà portée sur les mappemondes. Les navigateurs tirent des informations sur les observations : oiseaux qui survolent les bateaux ou objets flottant. Mais ceci n’est valable que près des côtes.

Le premier voyage

L’aller

Christophe Colomb, se sentant investi d’une mission divine, commande une flotte de trois bateaux. Le 3 Août 1492, les trois caravelles, la Santa Maria, la Pinta et la Nina quittent le port de Palos. Ils font escale aux Canaries et doivent remplacer le gouvernail de la Pinta qui s’est rompu… Sabotage ? Il fait également modifier le gréement de la Nina.

Le 6 septembre ils quittent les Canaries. L’histoire de ce voyage mythique nous a été transmise par son second fils Fernando et par le fils d’un compagnon, de Las Casas. Mais le livre de bord a été perdu du vivant de Colomb. Ce que l’on sait c’est que d’emblée Colomb a falsifié la distance parcourue en la sous-estimant pour ne pas inquiéter l’équipage. Car il est en désaccord avec les autres cartographes sur la position du Japon.

Les premiers jours, tout se passe bien, les caravelles filent, poussées par les alizés de nord-est dans le golfe de Guinée. Certains signes avant-coureurs font espérer l’approche de la terre : un paille-en-queue et une hirondelle de mer survolent la Nina, or ces deux oiseaux nichent la nuit à terre. Puis une étoile filante, qui est un bon présage. Puis de l’herbe… Colomb pense qu’il s’agit d’une île et non encore de la terre ferme.

Les hostilités vont bientôt commencer entre Colomb et les frères Pinzon. La Pinta part devant pour voir la terre en premier. Une brume se lève, signe de terre. Mais on ne la voit toujours pas. Alors Colomb confronte son estime à celle des pilotes, 2200 à 2500 km. On doit être à mi-parcours de l’Asie. Colomb veut montrer sa détermination et si on ne trouve pas les îles maintenant, on les visitera au retour. Une autre difficulté apparaît : les touffes d’herbe éparses jusque là deviennent tellement denses que la mer « semble caillée » : en effet il se trouve dans la mer des Sargasses. Il doit affronter la peur de l’équipage et ses propres doutes. Le 22 septembre les vents commencent à s’infléchir au sud-est, mais toujours pas de terre en vue. La mutinerie gronde et les marins, terrorisés de ne pas pouvoir rentrer, veulent revenir en Castille. Le 25 au soir, Pinzon voit un mirage et crie « Terre ! ». Mais au petit matin l’île a disparu. Pinzon est vexé. Colomb instaure une punition si on a annoncé faussement la terre. Les jours se succèdent et l’angoisse monte. Le 1er octobre, les capitaines confrontent une nouvelle fois leurs estimations qui sont très différentes : on ne sait plus où on est! Le 6 octobre, l’angoisse monte encore d’un cran et ils craignent d’avoir dépassé le Japon sans l’avoir vu. Le 7 octobre, sous l’influence de Pinzon, il infléchit sa route légèrement vers le sud. Le 10 les basques de la Santa Maria manifestent leur colère et Pinzon menace de les faire jeter à la mer. Le 11 des débris de plantes et de bois sculptés flottent autour du bateau. Le soir Colomb croit voir une lueur mais préfère se taire.  A 11 heures du soir un matelot de la Pinta crie terre en voyant une plage devant l’étrave. Colomb fait tirer la bombarde et attend le lendemain matin pour débarquer.

Découverte des îles

Le 12 octobre, après 34 jours de traversée, Colomb et les deux frères Pinzon débarquent sur l’une des îles du nord-est de l’archipel des Bahamas. La plage est peuplée de « sauvages » entièrement nus qu’il appelle « Indiens » car il se croit arrivé aux Indes Orientales. Il comprend que l’île s’appelle Guanahani et il la rebaptise San Salvador en l’honneur du Sauveur! Il prend possession de l’île au nom des rois espagnols et le fait consigner par le notaire. Le voilà Vice-Roi.

Les premiers contacts avec les indigènes se passent bien sans agressivité, avec une grande curiosité de part et d’autre. Ils échangent de la verroterie contre des sagaies, des perroquets et des fils de coton. Colomb observe les indigènes, les trouve « bien faits ». Ils ont des peintures corporelles variées en couleurs et dessins et portent un anneau d’or dans le nez. Colomb comprend que l’or vient d’une grande île plus au sud. Mais il se rend compte que ces indigènes ne sont pas les riches habitants de Cipangu (du Japon). Il pense avoir abordé sur une île périphérique. Il décide d’emmener 7 indiens pour les former comme traducteurs et en « faire de bons chrétiens ». Le 14 octobre, il reprend la mer et touche plusieurs petites îles qu’il baptise Santa Maria de la Conception (Rum Cay), Fernandina (Long Island) où la civilisation semble plus avancée, et Isabella (Crooked Island).

Le 28 octobre, il aborde une très grande île qu’il pense être Cipangu, c’est Cuba qu’il renomme Juana. Il note, dans son journal de bord : « S’il en va comme le disent les Indiens… c’est bien là l’île de Cipangu dont on conte des choses si merveilleuses et qui, sur les sphères que j’ai vues et sur les peintures des mappemondes, est située dans ces parages » Il envoie des éclaireurs vers l’ouest à la recherche du Grand Khan mais pas de roi ni de civilisation avancée. Il reprend la mer vers l’est et aborde l’île de Baveque, actuelle Jamaïque, puis trouve le 14 novembre une grande baie qu’il baptise Port-au-Prince. Il fait une tentative vers le nord mais est refoulé par une tempête. C’est alors que Martin Alonzo Pinzon lui fausse compagnie le 22 novembre avec la Pinta. Colomb poursuit son exploration vers l’est où les Caraïbes font régner la terreur.  Les preuves de cannibalisme s’accumulent et Colomb interprète ce comportement comme étant celui des hommes du Grand Khan. Il pense être tout près de la Chine. Il continue toujours vers l’ouest et aborde le 6 décembre une nouvelle île qu’il pense reconnaître comme l’île décrite par les cartographes comme Hispaniola. Il constate que les indigènes font un usage très répandu des feuilles de tabac qu’ils roulent et fument. Colomb est émerveillé par la nature bien qu’il se rende compte qu’il n’y a ni or, ni pierres précieuses ni perles dans les huitres.

C’est alors qu’un des rois entre en contact avec Colomb et des échanges, semble-t-il très cordiaux, se tissent entre eux. Les rois apportent des ceintures et des anneaux en or. Par contre, les mines semblent être sur une île nommée Cilao, que Colomb prend à nouveau pour Cipangu. Mais le temps passe, nous sommes à la veille de Noël. Les caravelles sont minées par les tarots et il faut envisager le retour en reportant la découverte de cette île à un prochain voyage. Dans la nuit du 25 au 26 décembre, la Santa Maria heurte les coraux et se brise. Le navire est perdu et Colomb doit entasser hommes et matériel sur la Nina, mais il est impossible de ramener les équipages. Convaincu du caractère pacifique des indigènes, il décide alors de laisser 39 hommes dans un fort construit avec les restes de la Santa Maria et qu’il baptise Natividad, afin de négocier avec les Indiens et de trouver les voies qui mènent à l’île convoitée.

1493

Le retour

Colomb quitte Hispaniola sur la Nina le 4 janvier et croise la Pinta 2 jours plus tard au large. Bien que Pinzon ait clairement déserté, Colomb n’a pas les moyens de se passer de lui pour rentrer. Pour le retour, il connaît « la volta », la route empruntée par les navires rentrant d’Afrique qui vont chercher les vents d’ouest en contournant l’anticyclone des Açores. Il espère donc trouver la tangente à cette route en faisant cap au nord-est. Le 4 février le temps devient froid et pluvieux. Il infléchit le cap à l’est. Mais il est vite en désaccord avec les capitaines qui pensent que les Açores sont plus au nord. Bref ils ne savent à nouveau plus où ils sont. Le 12 février ils sont pris dans une tempête qui va durer une semaine. Dans leur mysticisme, ils croient à un châtiment divin. On organise alors un tirage au sort pour désigner les marins qui iront en pèlerinage pour rendre grâce à la Vierge s’ils s’en sortent. La tempête sépare les deux bateaux et Pinzon touche terre le premier sur l’île Santa Maria des Açores le 17 au matin. La Pinta est arraisonnée par la marine portugaise qui croit que la caravelle revient d’Afrique. Tout l’équipage est emprisonné. Colomb, à son arrivée, a toutes les peines du monde à convaincre les portugais qu’ils reviennent des Indes et non d’Afrique.

Le 24 février, les deux bateaux repartent des Açores. Pinzon fait, à nouveau faux bond à Colomb et, avec sa caravelle plus rapide, espère tirer sa gloire en arrivent le premier. Il débarque à Baiona, en Galice, à la frontière du Portugal, les derniers jours de février. Il adresse une lettre aux rois Catholiques en sollicitant une audience. En réponse, ils l’enjoignent de rejoindre Colomb à Palos. Pendant ce temps la Nina est prise dans une tempête qui arrache toutes les voiles. C’est donc à sec de toile que Colomb aperçoit la terre et reconnaît le rocher de Sintra, au large du Tage. Il préfère jouer la sécurité et aborde dans le port de Lisbonne le 4 mars. Ironie du sort, c’est Bartolomeu Dias en personne qui monte à bord pour exiger des explications et avalise le récit de Colomb. La ville leur fait fête. Le roi du Portugal reçoit Colomb et lui fait bonne figure, même s’il écume de rage de voir que Colomb a réussi pour les rois catholiques ce qu’il lui a refusé. Colomb a peur de se faire assassiner et informe les rois catholiques de la découverte des îles dont il a pris possession au nom de l’Espagne.

Consécration

Le 15 mars 1493, Colomb entre triomphalement à Palos. Il reçoit son nouveau titre d’Amiral, de Vice-Roi et gouverneur des terres découvertes. Il rejoint la cour à Barcelone où il est reçu avec les honneurs. Il savoure sa revanche et donne libre cours à son égo surdimensionné : il signe maintenant « le Porte-Christ ».

De leur côté, les rois catholiques entendent sécuriser les découvertes récentes et à venir. Ils s’adressent au pape Alexandre VI Borgia (un espagnol) qui fixe les règles de séparation entre les empires espagnols et portugais, à venir. La négociation avec les Portugais aboutit au Traité de Tordesillas du 7 juin 1494.

Partage du monde entre l’Espagne et le Portugal

Deuxième voyage

Auréolé de son exploit et investi de la pleine confiance des rois catholiques, Colomb n’a aucune peine à obtenir cette même année 1493 le financement d’une nouvelle expédition, dans un but à la fois de découverte et de colonisation. Il réunit une importante flotte de 17 bateaux, 1200 à 1500 hommes, comprenant tous les corps de métiers nécessaires, des vivres, animaux, plantes et outils. Un religieux pour l’évangélisation des Indiens. Colomb organise tout, sur le plan matériel, financier et juridique.

Il quitte Cadix le 25 septembre 1493 et prend une route plus au sud que la précédente. Il découvre la Dominique, Marie-Galante puis la Guadeloupe dont la beauté est assombrie par le cannibalisme des indigènes. Il remonte alors vers le nord en nommant les îles suivantes, Santa Maria de Montserrat, de Redonda, de Antigua, Santa Cruz, les îles Vierges et Saint Thomas. Il poursuit vers l’est jusqu’à Porto Rico. Mais il lui tarde de retrouver Hispaniola où il a laissé 39 colons dans le village de Natividad. A son arrivée, c’est un terrible choc pour lui : le village est vide et les colons ont été massacrés.

Colomb est très affecté par ce drame et cherche vers l’est un endroit plus propice à l’implantation d’une colonie : dans l’embouchure d’une rivière, il décide d’établir une nouvelle ville qu’il nomme Isabela en l’honneur de sa bienfaitrice, en janvier 1494. Il prend en charge lui-même sur place l’organisation de cette ville. Mais pour informer les rois Catholiques de son action et les faire patienter, il renvoie une partie de sa flotte en Espagne sous le commandement de son second Torres, avec une lettre, des marchandises (or, plantes, animaux) et plusieurs indiens. Ce document est capital car il détaille son action, témoigne de son souci de santé des colons et demande des marchandises en retour et un autre médecin, précise ses projets de gouvernement d’Isabela et sa prochaine expédition de reconnaissance pendant 4 mois.

Ce deuxième voyage de Colomb va durer près de 3 ans puisqu’il revient en 1496.  Il tente de poursuivre de front plusieurs buts. Tout d’abord la colonisation des terres mais il se heurte à l’hostilité des indiens, et surtout à la trahison des autres « conquérants ». Il recherche toujours la Chine et le Japon, et part explorer les côtes de Cuba, qu’il prend pour une péninsule de la Chine, et la Jamaïque. Enfin Colomb poursuit la recherche des mines d’or d’où viennent les parures des indiens.

Maintenant que Colomb a révélé au monde la voie qui permet d’aller de l’autre côté de l’Atlantique et surtout d’en revenir, de nombreux autres navigateurs vont l’emprunter avec l’autorisation des rois Catholiques. A la cour; des complots se trament pour discréditer Colomb, et les rois le doublent d’un « super intendant » des Indes, Fonseca, qui sera hostile à Colomb. Colomb apprend à Isabela que les rois Catholiques, influencés par les calomnies rapportées, l’ont déchu de plusieurs titres et doit répondre d’une enquête ouverte à la suite des « méfaits » qu’il aurait commis.

Malgré un accueil triomphal de la foule à son arrivée à Cadix le 11 juin 1496, Colomb est tombé en disgrâce auprès des rois Catholiques.

Le déclin et la chute

Troisième voyage

Reçu par les rois Catholiques, il parvient à les retourner en sa faveur grâce à sa force de persuasion. Il obtient en 1497 des dispositions pour sa succession en faveur de son fils et de sa famille. Car la conquête du nouveau monde est aussi devenue une histoire de famille : ses deux frères chargés de responsabilités à Hispaniola et ses fils qu’il veut faire bénéficier des richesses découvertes. Ayant obtenu la licence royale pour un troisième voyage, il se voit maintenant contraint de traiter avec des intermédiaires. Par ses nombreuses lettres aux souverains, il finit probablement par les indisposer à son égard. Il lui faut plusieurs mois pour préparer ce voyage avec des bateaux lourdement chargés.

Il appareille le 30 mai 1498 et envoie une partie de la flotte directement à Hispaniola pour venir au secours de son frère Bartolomé. Entre temps Bartolomé a abandonné Isabela insalubre et fondé la ville de Saint Domingue sur la côte sud. Colomb, avec une autre partie de la flotte, veut reprendre l’exploration dans la direction sud-ouest où sont censé se trouver les mines d’or. Après avoir atteint les îles du Cap Vert, il démontre une nouvelle fois sa science de la navigation et, après une traversée tranquille, aborde une île qu’il nomme Trinité puis les côtes du Venezuela, les bouches de l’Orenoque, le golfe de Darien (Panama) et l’île Margarita où les perles abondent. Mais Colomb doit se résoudre à revenir vers Hispaniola car il a des problèmes de santé et les vivres commencent à manquer. Hispaniola est en effet devenue la plaque tournante des expéditions. A Saint Domingue, il est obligé de mater la rébellion d’un certain Roldan contre son frère Bartolomé.

En 1499 d’autres caravelles arrivent et pactisent avec les insurgés. Colomb passe l’année à réprimer durement les nombreuses exactions et demande alors aux rois une assistance juridique pour l’aider à maintenir son autorité à Hispaniola.

1500 : c’est alors que le destin de Colomb va basculer avec l’arrivée de Bobadilla, nommé gouverneur, qui s’octroie les pleins pouvoirs, fait arrêter Colomb et ses frères, les met aux fers, et les renvoie en Espagne à fond de cale! C’est l’incompréhension du peuple et des soutiens de Colomb à sont arrivée. Les rois catholiques, reconnaissant leur erreur, les font libérer. Ils les reçoivent à la fin de l’année : la reine Isabelle exprime à Colomb ses regrets, promet de relever Bobadilla de ses fonctions et de restituer à Colomb ses pouvoirs. On voit que Colomb, bien qu’humilié, va une nouvelle fois rebondir. Ne pouvant pas endiguer les multiples expéditions qui partent, Colomb plonge dans un mysticisme très en phase avec celui de la reine Isabelle. Il rédige un livre qui devient son testament spirituel : « Le Livre des Prophéties », où il entrevoit son rôle de missionnaire. Il rédige des dizaines de lettres aux rois pour leur rappeler le bilan de son action, les nombreuses îles découvertes en leur nom et continue à réclamer ses droits car il faut dire qu’il est sans le sou.

1501  : les rois jouent sur plusieurs tableaux : d’un côté ils financent une véritable armada de 32 bateaux pour poursuivre la colonisation d’Hispaniola sous l’autorité du gouverneur Ovando ; d’un autre côté ils autorisent Colomb à préparer un 4ème voyage, sous certaines réserves : interdiction d’aborder Hispaniola où Colomb est devenu persona non grata, interdiction d’asservir les indiens en esclavage et interdiction au trafic privé des richesses.

L’ultime rebond

1502 – Quatrième voyage

Outre la préparation des 4 bateaux qui composent sa flotte, Colomb prend des dispositions au cas où il ne reviendrait pas, vis-à-vis de ses fils et de sa famille génoise. Il part en avril 1502 et compte trouver le passage vers l’ouest. Il brave l’interdiction royale et fait halte à Saint Domingue pour prendre un bateau plus léger. A son arrivée, il n’est pas autorisé par le gouverneur à débarquer. Dans la rade une flotte est prête à rentrer en Espagne avec Roldan, blanchi de toute faute, un chef indien responsable de rébellion et surtout un trésor de 200 000 pesos d’or. Colomb, voyant des signes avant-coureurs d’ouragan, supplie le gouverneur de retenir la flotte. Son conseil n’est pas suivi et la flotte entière est engloutie à la pointe de l’île. Colomb n’a à déplorer, de son côté, qu’un éparpillement de ses bateaux. Et il repart vers le sud-ouest mais sa progression est rendue difficile par les tempêtes qui se succèdent. Il longe la côte du Honduras, du Nicaragua, du Costa Rica et de l’isthme de Panama jusqu’à Puerto Bello, mais se croit toujours en Asie.

Début janvier 1503 il aborde la côte de Veragua où l’or semble couler à flot. Après avoir pactisé avec le chef indien, il envisage de fonder une ville, Santa Maria de Belen. Mais le cacique fomente une révolte que Colomb réprime dans le sang. Le site est abandonné avec des pertes côté espagnol. Assailli par de multiples tempêtes, Colomb perd plusieurs bateaux et se réfugie en Jamaïque avec des bateaux surchargés et en trop mauvais état pour reprendre la mer. Il envoie son fidèle compagnon Diego Mendez sur des canots à Hispaniola pour demander du secours. Il attend ainsi un an et doit faire face, à nouveau, à la mutinerie de ses capitaines.

En juin 1504, Mendez revient avec 2 caravelles qu’il a récupérées à Saint Domingue, alors qu’elles arrivent juste d’Espagne et Colomb rejoint Saint Domingue où il est acclamé. A l’automne 1504 son retour est long et difficile et il doit braver plusieurs tempêtes. Arrivé le 7 novembre, il est épuisé physiquement par des attaques de goutte et démoralisé en voyant que les rois ont oublié toutes leurs promesses : le gouverneur Ovando a les pleins pouvoirs et un certain Sanchez se voit octroyer le monopole du commerce avec les Indes. Sa situation se dégrade à la mort de la reine Isabelle qui était son principal soutien.

En 1505, Colomb harcèle la cour sans succès pour retrouver ses droits.

Il meurt à Valladolid le 20 mai 1506, après avoir établi un testament très détaillé pour partager sa fortune entre ses fils, sa famille génoise et les religieux qui l’ont soutenu tout au long de sa vie.

Alors qui est Colomb? Un homme hors du commun d’une personnalité complexe et contradictoire, associant mégalomanie, charisme, intuition, audace, habileté à négocier et ténacité. Il se croyait investi d’une mission divine et a su créer, de son vivant, les conditions qui l’ont porté à la gloire que l’histoire lui reconnaitra. Mais si, par son exploit, il est le héros incontesté de la découverte du Nouveau Monde, c’est finalement Amerigo Vespucci qui donnera son nom à l’Amérique que Colomb n’a pas reconnu comme un continent et qu’il aura aveuglément persisté à identifier comme l’Asie.

Biographie : je me suis largement inspirée de deux livres : « Les grandes Découvertes » par Jean Favier et la « Biographie de Christophe Colomb » par Marie-France Schmidt. Merci d’excuser et de corriger mes erreurs, si j’en ai faites.

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