Une panne peut en cacher une autre.

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Vous qui ne naviguez pas ou n’entretenez pas de bateau, rendez-vous à l’article suivant. Cet article est destiné à tous les hardis navigateurs en voyage, les « bluewater sailors » comme disent les anglo-saxons, les « navigateurs de l’eau bleue ». Et donc de la caisse à outils.

Un marquisien nous avait conseillé de mettre une feuille de huti à bord (ces arbustes qui bordent les routes), qui est censé conjurer le mauvais sort, ce que nous avons fait, on ne sait jamais. Les ennuis sérieux ont commencé le jour où nous l’avons jetée!

De tous temps, la santé de nos bateaux ne fait pas bon ménage avec un long séjour à sec : la remise à l’eau d’un bateau en bois en construction traditionnelle commence par une bonne séance d’écopage, le temps que le bois retrouve, grâce à l’humidité, son volume antérieur.

Pour nos bateaux modernes suréquipés, c’est plus sournois, tant le nombre de pannes possibles est élevé!

Nous avons pu vérifier à nos dépends que les 2 ans que Spica avait passés à sec constituaient un bon laboratoire d’essai. Le décor : stockage à sec aux Marquises dans une ancienne carrière, surchauffée (36° dès midi) et mal ventilée, mais pas trop humide en dehors de la saison des pluies qui va de mi-juin à mi-août. Batteries de servitude AGM Mastervolt, 3 ans d’âge, restées sous charge des panneaux solaires (raccordés en amont du coupe-circuit général, ce qui permet le maintien en charge, le reste de l’installation étant hors tension). A noter que l’Outremer 45 est équipé d’un réseau électrique multiplexé Masterbus, le contrôle-commande de l’installation étant effectué par un réseau informatique.

Avant tout, tous nos remerciements à ceux qui nous ont aidés : Vincent, Maria et Teva au chantier bien sûr, Hervé Zavatta au SAV de Tecmar à La Rochelle, Thierry Cazeaux (AD La Rochelle pour son aide logistique inestimable, qui a battu tous les records de transport La Rochelle – Atuona), et Raphael Pierrot du SAV Outremer. Leur envoi était un vrai cadeau de Noël avant l’heure!

Ce qui a bien tenu

Malgré nos craintes, pas de moisissures des vaigrages ou des coussins, pas d’insectes (nous avions mis la dose de produits en tous genres), pas de problèmes avec les vêtements (sous housse étanche). Quelques traces de nids d’abeille maçonnes abandonnés dans les ventilations moteurs non obturées (mais nous avions soigneusement bouché toutes les évacuations de la coque), un énorme nid de merles dans la bôme, mais pas de nids de guêpes jaunes pourtant omniprésentes aux Marquises. Les moteurs ont démarré au premier coup, une fois leurs batteries changées. Les voiles étaient déposées dans un coffre, donc on les a retrouvées dans le même état. A notre grande surprise, l’électronique Raymarine, qui nous avait causé tant de souci, a redémarré sans problème (mais le radar se rattrape depuis). C’est beaucoup.

Ce qui a moins bien résisté

La saga du guindeau

La commande du guindeau fait (en apparence) disjoncter l’installation ce qui nous parait très bizarre, puisque connecté en amont du shunt et donc indépendant de la gestion informatisée du réseau. 3 défauts apparents : un défaut d’isolement du relai, un défaut des poussoirs à pied, et accessoirement le ressort cassé de l’interrupteur qui commande le guindeau à la barre (très dangereux, car peut maintenir le guindeau en marche par inadvertance). Le guindeau (Lewmar CPX 4) possède un relai 4 pôles (et non 3 comme d’habitude), donc introuvable ici. 10 jours de délais depuis la France. Les autres contacts sont en stock au chantier.

Mais le relai cache un autre problème : la coque du moteur du guindeau est un tas de rouille, avec un défaut d’isolement entre le – et le + via la masse. Re-10 jours pour un moteur neuf.

Au remontage, même situation.

Un défaut du système Mastervolt est évoqué par les divers intervenants, je n’y crois pas.

Un contrôle des batteries s’impose : alors qu’elles affichent une tension élevée à vide et sous charge normale (toute l’électronique du bord), chacune prise individuellement s’effondre sous une charge telle qu’un guindeau, entre 6 et 8 V! Le système Mastervolt voit cette chute brutale de tension, et donne l’ordre à tous les disjoncteurs de se couper pour protéger l’installation, ce que nous avons interprété à tort comme une coupure générale. Mastervolt et Outremer devraient documenter ce point, absolument rien ne figure dans les docs sur les principes de fonctionnement du système, et c’est essentiel quand on doit être autonome.

Comment des batteries aussi jeunes et restées en plaine charge peuvent toutes avoir été détruites si vite, mystère, sauf à invoquer la température (37° mesurés). Re-10 jours, depuis Papeete cette fois-ci.

Ce n’est pas fini : à la remise à l’eau, le régulateur des panneaux solaires (d’origine) refuse de charger les batteries. Cause ou conséquence des pannes précédentes ? Mystère. Mais il ne faut que 5 jours pour faire venir de Papeete un superbe régulateur Victron, et ça n’empêche pas de naviguer!

Batteries moteur

Etant restées sans charge, nous étions certains de devoir les changer. Pas de miracle, et ça ne peut pas être considéré comme une panne.

Bouton poussoir du winch électrique (re – Lewmar)

Nous sommes passés à travers, la paroi étant tombée en poussière. Nous avions anticipé et mis un nouveau dans les bagages … mais les cotes ont complètement changé, un simple poussoir de guindeau fera l’affaire, on en trouve partout.

Etanchéité des capots (re – re – Lewmar…)

6 capots fuient, soit au niveau du joint de la vitre, soit au niveau des vis de fixation (défaut de pose). Défaut très ennuyeux (surtout le deuxième), non réglé à ce jour.

Un mot sur le matériel Lewmar : tout le bateau est équipé de ce matériel (rails, capots, guindeau, chariots, …) A ce jour, après 24 000 milles et 5 ans, seuls les winches ne nous ont pas (encore) posé problème! Mais il convient de saluer l’efficacité du SAV Tecmar La Rochelle pour partiellement compenser cette médiocre qualité.

Dessalinisateur

Le dessalinisateur (Dessalator D60) avait été laissé sous solution de stérilisation, ce qui est réputé risqué aussi longtemps. Au redémarrage, mise en sécurité. La cause : un défaut sur l’électrovanne de rinçage. Un mail à Dessalator, et nous apprenons à démarrer en mode manuel. Mais … nous retrouvons le réservoir totalement vide quelques temps plus tard. Celui-ci étant au dessus de l’électrovanne, il s’est vidé par gravité, à l’envers, à travers le circuit et la vanne de prise d’eau de mer! Ce risque, dont nous n’avions jamais entendu parler devrait, là encore, être clairement documenté par Outremer et Dessalator.

Réservoir d’eau

Nous avions gardé une peu d’eau, avec un produit stérilisant. RAS, jusqu’au remplacement par de l’eau neuve (mais sale), provenant du réseau d’Atuona. Quelques temps après, apparition de végétation dans les filtres, sous forme d’une espèce de salade qui bouche tout. 1 mois plus tard, à coup de cachets stérilisants, nous n’avons pas encore complètement terrassé l’ennemi.

Moteur hors bord de l’annexe (Honda 10ch)

Refus de démarrage, carburateur nettoyé 3 fois, difficultés persistantes. Beaucoup d’utilisateurs rencontrés ont le même problème. Les 4 temps sont mal adaptés aux navigations lointaines, et parmi les 4 temps, le Honda est un mauvais moteur, au carburateur beaucoup trop complexe et difficile à entretenir. Nous projetons de le remplacer par un 2 temps Yamaha, encore disponible ici (nous voulions faire ce choix dès le départ, mais une obscure réglementation européenne l’interdit).

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Pour finir, une bien étrange histoire. Nous stockons nos spare (les nombreuses pièces de rechange) dans les sacs en plastique scellés, eux-mêmes dans des caisses fermées, sous la couchette de la cabine avant, parfaitement sèche. Nous avons retrouvé ces sacs pleins d’humidité, le métal (inox et alu) attaqué en profondeur.

Même des pièces en plastique comme la turbine d’une pompe en poussière. Le mystère reste total. Seule piste plus ou moins vaseuse : en démontant le réservoir à eaux noires pour changer une sonde défaillante, nous avions fait tomber des graines de charbons actifs. Une poignée s’est retrouvée dans la caisse de spare. Possibilité de réaction chimique ?  Si quelqu’un a une idée… 

Un dernier mot : tout cela pouvait-il être évité ? Pour partie oui, si nous avions pu continuer à vivre à bord et faire les gammes de maintenance habituelles et traiter les problèmes quand ils apparaissent. Mais privés de possibilité de rejoindre le bateau pendant 2 ans…

Toujours est-il que, le COVID explosant en Polynésie, rendant l’avenir très incertain, nous aurions aimé ne pas rajouter cette dose de stress permanent.

Article écrit depuis les Tuamotu, atoll de Tahanea, car si on attend que tout marche sur un bateau, on ne part jamais.

3 Responses

  1. Marchand Jean-Louis

    Peut-être que le régulateur, réglé trop haut a fini par tuer les batteries ( par surcharge)

  2. jean lemaistre

    il y a le problème du bateau à sec et aussi le climat. Le materiel sur un tel bateau c’est un vrai métier !

  3. Sylvana

    En surfant sur le net, Je viens de lire votre problème d’electrovanne Dessalator et il se trouve que j’ai le même soucis depuis 3j ! Je viens d’envoyer un mail à Dessalator …Comment avez vous pu solutionner ce problème ? Je me trouve actuellement à Raiatea…
    Maritimement vôtre
    Sylvana
    S/Y Syl Va’a

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