Tahiti (2021 – 2023)

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Cela peut paraître bizarre aux voyageurs qui arrivent en Polynésie en avion, mais Tahiti n’est pas d’un abord très facile en bateau. D’ailleurs on a du mal à trouver des renseignements détaillés. Michel finit par dégoter un guide nautique de 1985, épuisé en librairie mais toujours disponible en numérique : le guide Davock qui décrit de façon exhaustive toutes les passes et tous les mouillages possibles. Il y a peu de risques que des changements importants soient arrivés en 25 ans, pour les coins hors sentiers battus. Pour le sud et l’est, le blog de la famille Hélies sur Saga est très bien documenté.

La côte Est comprend peu d’abris (entre Taravao et la pointe Vénus), avec un embryon de lagon ça et là, exposé aux vents dominants et à la houle. La partie urbanisée sous le vent, au nord-ouest, s’étire autour de Papeete. La concentration de bateaux y est impressionnante, à tel point qu’il devient difficile de trouver une place au mouillage. 2 marinas, au sud, Taina, et plus au nord la marina du centre ville sont saturées (et on ne peut pas réserver à la marina municipale). Encore plus au nord, la pointe Vénus protège un joli mouillage par vent d’est sans trop de houle. Toute cette côte est très exposée aux vents d’ouest et à la houle, la barrière étant très basse et discontinue, et sa partie sud ne présente aucune possibilité de mouillage. Il reste l’échancrure au sud-ouest, entre l’île principale et la presqu’ile de Tahiti Iti, excellent abri, mais à l’écart des routes. C’est cette partie que nous allons visiter depuis Moorea, sous la contrainte d’un coup de vent de nord-ouest.

Papeete

Nous sommes passés de nombreuses fois à Papeete, lors de nos correspondances d’avion. En arrivant des Marquises en bateau, nous avions trouvé une place à la marina du centre ville, coup de chance.

De cet emplacement, face à Moorea, nous sommes aux premières pour visiter le bar du restaurant d’à côté.

Cette marina est en plein centre, à deux pas du marché, et au milieu d’un très beau jardin récemment rénové Nous aimons bien Papeete (pendant les heures ouvrables). On trouve de tout pour remplir la cambuse, les restaurants et les roulottes abondent (coup de cœur pour le Meherio, près de la capitainerie), et les shipchandlers ne sont pas loin. Le dimanche, à condition de se lever tôt (tout ferme à 11h), le marché envahit les rues adjacentes et regorge de produits frais.

Au premier étage du marché, c’est le marché aux perles. Pas très intéressant quand, comme nous en bateau, on a accès aux fournisseurs en gros, mais on a rencontré une excellente artisane (russe…) qui monte les perles qu’on lui apporte.

Côté face, la marina a été construite dans une anse de l’entrée du port. Les ferries y déboulent sans trop respecter les limites de vitesse, créant un ressac permanent. Les coups de vent d’ouest rendent la marina intenable. Il suffirait pourtant de peu d’investissements pour l’agrandir et la sécuriser, mais on comprend que le sort des bateaux de passage n’intéresse pas grand monde ici.

Au printemps 2023, le musée de Tahiti et des Iles (Te Fare Iamanaha), à Puna’auia vient de réouvrir après des années de restauration. A cette occasion, plusieurs musées ont prêté leurs plus belles pièces polynésiennes. Le British Museum a accepté de mettre à disposition une des oeuvres exceptionnelles de l’histoire du Fenua, la statue du dieu A’a. Cette oeuvre, une des plus belles de l’art primitif, a notamment inspiré Picasso, qui en possédait une copié. Elle a été trouvée à Rurutu, aux Australes, et ramenée à Londres par la London Society.

Tahiti sud-ouest (octobre 2022)

De Moorea, cap sur Port Phaeton. C’est une baie profonde, à la jonction de Tahiti Nui et de Tahiti Iti, en face de l’isthme qui réunit les deux îles et de la ville de Taravao.

Partis de Moorea à 8 heures du matin pour une étape de 35 milles, on se régale au portant sous 20 à 25 nœuds encore de NE avant la rotation à l’ouest prévue et l’arrivée de la pluie.

A la pointe sud-ouest de Tahiti, le dévent de l’île tue l’alizé (Tahiti est une île très massive qui culmine à plus de 2000 m, avec des phénomènes aérauliques très importants : on a facilement 10 nds de plus aux extrémités – ce qui commence à être beaucoup avec un alizé de 20 – 25 nds – et rien sous le vent, un peu comme aux Canaries). On poursuit au moteur en longeant la côte sud, somptueuse avec son relief torturé de pics et de vallées encaissées et sa végétation luxuriante, constamment arrosée par effet de foehn.

Puis on retrouve un vent de 20 nœuds et la pluie, pile dans le nez. Le contraste avec le début de la matinée est saisissant.

Juste avant d’arriver, une baleine nous salue d’un grand jet, suffisamment à distance pour ne pas nous inquiéter.

La passe de Teputa est impressionnante : les 2 côtés du reef forment un entonnoir où la houle se réfléchit. Comme une barrière de corail se situe immédiatement derrière la passe, on a l’impression de foncer vers un mur de déferlantes. En approchant, l’entrée devient bien visible, et on réalise que le chenal fait un angle droit juste après la première perche puis serpente entre les balises.

A l’intérieur, on se croirait sur un lac de montagne, instantanément totalement calme. De belles maisons décorent la rive droite, entaillée d’un bras de mer. Le fond de la baie est protégé de tous les vents. Une trentaine de bateaux y sont mouillés, mais la baie pourrait en contenir 10 fois plus.

Sa réputation (usurpée) de trou à cyclone est liée à la présence de mangrove, rare en Polynésie. Certains bateaux sont des épaves, d’autres attendent leurs propriétaires repartis chez eux et très peu de bateaux sont en escale. Le fond est vaseux et explique la tenue excellente de l’ancre. Par contre pour se baigner, la couleur marron de l’eau n’est pas très engageante.

Sur la rive gauche, il y a un chantier alu et une petite marina mais les places sont rares et il est difficile de réserver. Dans tous les cas laisser son bateau à Port Phaeton expose à des risques de moisissures car c’est un vrai pot de chambre. A côté un club de plongée et une école de voile très active. Nous attendons des jours meilleurs pour la photo.

L’accès à terre est plus difficile. On a le choix entre la rive boueuse du fond de la baie, non sécurisée et le petit ponton de la marina.

A terre, on trouve tout ce dont on a besoin pour le ravitaillement et l’entretien du bateau : supermarché (juste en face de l’accès), étals de fruits et légumes de qualité le long de la route, shipchandler bien équipé et tous les commerces du village. Taravao est très active et draine toute la population de Tahiti Iti et le sud de Tahiti Nui. Elle est entourée de collines verdoyantes, où maraichers et pâturages abondent avec des élevages de bovins. L’élevage de crevettes de Taravao inonde toute la Polynésie.

Notre voisin de mouillage nous indique une balade à vélo jusqu’à un belvédère de 600 mètres mais cela nous paraît hors des possibilités de nos petits vélos pliants et de notre entrainement. Alors on y va à pied dans sur des chemins champêtres très agréables, mais très longs, la pente étant très faible.

Du belvédère de Tahiti Iti (“Tahiti la petite”), 600 m d’altitude, très belle vue sur Tahiti Nui (“Tahiti la grande”) et la mer des deux côtés de l’isthme de Taravao.

Le retour se fait par la route au milieu des pâturages.

Avec des lignes droites de plusieurs kms, le retour va nous paraître interminable ; au total 23 kms et des courbatures à l’arrivée et les jours suivants. Côté terre encore, balade de Michel jusqu’à la cascade de Fatau, tout près du mouillage, après avoir écarté des chiens errants plus ou moins agressifs. Il y en a d’ailleurs partout en Polynésie et c’est une véritable plaie.

En face du bateau, un petit restaurant sert, sur un deck au dessus de l’eau, une cuisine délicieuse dans une bonne ambiance.

Après avoir laissé passer le mauvais temps, que l’on a à peine senti ici, on décide d’aller explorer la côte sud avec l’idée de trouver un mouillage sauvage.

Quelques mouillages qui ont l’air sympas … sur la carte.

Vers l’est…

Il n’y a pas besoin de sortir du lagon de Taravao pour naviguer jusqu’à Teahupoo, lieu de la célèbre vague où se tiendront les JO en 2024. La côte est entaillée de vallées verdoyantes. Mais les mouillages promis sont décevants:

 – le premier juste à la sortie de la baie de Taravao, en face de la jolie pointe Poriro, mais un gros cargo rouillé enlaidit le site.

– le deuxième un peu plus loin, dans la baie d’Itutua, mais le fond passe brutalement de 20 à 2 mètres directement sur le corail.

– le troisième au sud de la pointe Oututtaata, en face de la station de pompage de l’Ifremer. C’est probablement le meilleur, mais les bâtiments sont moches et il y a désormais des bouées partout dans la baie.

On poursuit par un chenal étroit et sinueux jusqu’à la baie de Teahupoo, très agitée car la houle entre par une fausse passe.

Les conditions ne nous paraissent pas réunies pour aller voir de près la redoutable vague de Teahupoo, où aura lieu l’épreuve de surf des JO 2024. On laisse ça aux barques puissamment motorisées.

On explore le reef sur toute sa longueur, mais on ne trouve pas de banc de sable où mettre l’ancre, bien qu’on ait lu dans certains blogs que c’était possible. La houle crée partout une mousse blanche qui cache un peu les fonds.

Demi-tour sans regret à Port Phaeton.

Vers l’ouest…

De ce côté, il faut sortir du lagon et rentrer par la passe Temarauri qui donne accès à un petit lagon sur la côte sud. La passe est étroite, bien balisée mais les rouleaux sont impressionnants de part et d’autre car il y a beaucoup de houle (3 à 4m).

Le premier mouillage est juste derrière une pointe plantée de bois de fer et prolongée par un fare sur pilotis, en face du musée Gauguin. L’endroit est très joli et le mouillage excellent à condition de se mettre tout près de terre, mais c’est samedi de kermesse avec des enfants partout (y compris dans le mouillage), et une musique tonitruante débitée par des tours de hauts-parleurs! Dommage…

Le deuxième mouillage est dans la baie d’Atehiti, mais les fonds passent de 18 à 2 mètres au ras des maisons du village…

Le troisième mouillage est dans la baie suivante, à laquelle on accède par un chenal étroit avec un seuil de 4,2 mètres. L’ambiance change brutalement devant des plages de sable noire battues par les vagues de la passe en face du moullage. C’est plutôt lugubre et il est difficile de trouver de trouver un endroit abrité.

Côté récif, pas de banc de sable où mouiller non plus.

Et rebelote, on retourne à Port Phaeton.

Après une petite semaine de farniente à Port Phaeton, dans une ambiance plus champêtre que maritime, on rejoint Raiatea pour accueillir un couple d’amis avec, au programme, un tour des Iles Sous-le-Vent. Encore une fois, la météo va nous priver du mouillage que l’on avait prévu à la pointe Vénus au nord de Tahiti.

Pointe Vénus (mai 2023)

Partis de Moorea vers les Tuamotu, la météo qui annonçait un vent très faible ne s’était pas trompée. C’est un calme blanc qui nous accompagne depuis le départ.

Après plusieurs heures de moteur, rendus au nord de Tahiti, aucun signe d’amélioration, bleu Klein à l’infini.

Demi-tour et mouillage dans la baie de Matavai, au pied du célèbre phare de la pointe Vénus.

La pointe Vénus est le lieu favori des habitants du nord de Tahiti, qu’ils envahissent le week-end, dans une ambiance très sympathique, pour se baigner et manger du poisson cru à l’excellent restaurant.

Mais la baie de Matavai est surtout un lieu historique de la découverte de la Polynésie. S’y sont succédés:

  • en juin 1767, Wallis qui y découvre Tahiti. Le capitaine anglais avait d’abord jeté l’ancre du Dolphin dans le sud, mais il en fut chassé par l’hostilité des locaux. C’est une femme puissante, Purea, qui servit de médiatrice entre Wallis et les milliers de tahitiens armés jusqu’aux dents.
  • en avril 1768, Bougainville (cultivé, mais dilettante) y passa seulement 10 jours de farniente, sur l’Etoile et la Boudeuse,
  • en avril 1769, arrivée pour 3 mois d’un vrai pro, James Cook, 39 ans, sponsorisé par la London Society (d’où le nome des Iles de la Société), sur le Resolution, pour observer le transit de Vénus (d’où le nom de la pointe). Les observations ont un peu foiré pour cause d’imprécision des instruments, mais ce fut compensé par un travail exceptionnel de documentation de la faune, flore et des coutumes locales. Evènements stupéfiants, Cook revint de Londres à Matavai en 1773, 1774 et 1777, Britannia rules the waves!
  • en octobre 1788, le suivant fut William Bligh sur la Bounty, pour 6 mois. Ancien maître d’équipage de l’expédition Cook 74, il était missionné pour ramener des plants d’arbre à pain de Polynésie aux Caraibes. Moins d’un mois après son départ, c’était la célèbre mutinerie.

Il semblerait que ce beau monde ait mouillé plutôt dans la partie sud de la baie, mais la partie nord, plus difficilement accessible pour eux, est mieux protégée, avec un haut fond bien pratique devant la plage de sable noir.

Pour nous, ce n’est pas le transit de Vénus qui nous intéresse, mais un lever de lune limpide.

Pas de réponse à la question : aura-t-on du vent favorable demain pour rejoindre les Tuamotu?

  1. Mari de Kooka

    Bravo Michel et Christine pour toutes ces précisions historiques. A bientôt !

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